Figure emblématique de la musique improvisée française et européenne, le clarinettiste, saxophoniste et compositeur Louis Sclavis présente « India », son troisième album chez YOLK. Enregistré en quintet, cet opus embarque l’oreille dans un voyage enchanteur. Une aventure musicale onirique et lyrique… l’évocation d’une Inde rêvée à partir de souvenirs de voyages.
Jazz Campus en Clunisois 2025 – Francesca Han – Lisa Cat-Berro
Après l’élégance… le tumulte !
Pour son cinquième soir sur la scène du Théâtre les Arts de Cluny, c’est un double plateau que propose Jazz Campus en Clunisois 2025. Après le concert solo de la pianiste coréenne Francesca Han, la saxophoniste Lisa Cat‐Berro, à la tête de son quintet, présente son programme « Good Days‐Bad days ». Une soirée en deux temps où le tumulte succède à l’élégance.
En ouverture de la soirée en deux temps du vendredi 22 août 2025, Didier Levallet accueille la pianiste coréenne Francesca Han, installée en France après avoir joué à Tokyo et New-York.
D’emblée, sa main droite délivre avec délicatesse des notes lumineuse et élégantes puis le propos musical se densifie et la pianiste installe un climat de rêverie où les notes aiguës claquent comme des gouttes de pluie. Elle enchaîne avec un morceau du pianiste japonais disparu Masabumi Kikuchi. Sur un tempo plus rapide, elle débute par une ligne mélodique continue puis déconstruit le rythme, pose des accords dissonants, martèle le clavier. La musique s’adoucit, s’étire, semble se diluer, s’évaporer, se transforme en une ballade d’où émerge la quintessence du son. Sur un tempo très ralenti, les notes deviennent perles de rosée. Après cette musique crépusculaire, la main droite de Francesca Han esquisse des notes ensoleillées chargées d’un souffle d’espérance. Accélérations et ralentissements rythmiques se succèdent créant un univers contrasté où légèreté et densité se disputent la préséance. Le public retient son souffle… l’extase n’est pas loin.
Une sobre quiétude habite le morceau suivant dont les grappes de notes jouent avec le silence. Un moment musical sensible et nostalgique dont l’atmosphère évoque la floraison des cerisiers et la légèreté des pétales qui tombent. La pianiste chantonne en même temps qu’elle joue puis continue avec Le Musichien du pianiste François Tusques.
Le set se termine avec une version singulière du Think of One de Thelonious Monk. Avec vigueur et fantaisie, Francesca Han martèle le clavier, déclenche une tempête musicale puis ralentit son propos qui se fait interrogatif et poétique. Une interprétation audacieuse et impertinente, tout à fait dans l’esprit monkien.
Sous les applaudissements nourris du public enthousiaste, Francesca Han termine avec un morceau de Martial Solal écrit pour le film de Jean-Luc Godard, « A bout de souffle ». Puis délicatesse et emphase coexistent dans une version revisitée et audacieuse de Body and Soul où les notes piquetées du thème pointilliste flirtent avec le silence.
Ourlée d’impressions et brodée de sensations délicates, la musique de Francesca Han a installé un climat intimiste dans la salle du Théâtre Les Arts de Cluny. Une élégance infinie habite ses rêveries sonores feutrées autant que ses effervescences maîtrisées. L’art de la pianiste met en valeur le son autant que le silence. Elle a offert au public un grand moment musical, entre suspension et emportement.
En deuxième partie de soirée, la saxophoniste Lisa Cat-Berro présente son projet « Good Days ‐ Bad Days ». Entourée du guitariste Julien Omé, du bassiste Stéphane Decolly et du batteur Nicolas Larmignat rejoints sur quelques titres par la chanteuse Karine Séraphin, Lisa Cat-Berro propose un programme qui navigue entre pop, folk et jazz.
Sur un premier morceau enrocké, la leadeuse embouche son alto alors que la section rythmique impulse un rythme binaire qui ne permet guère de savourer la mélodie que souffle la saxophoniste. A l’issue du morceau, Lisa Cat-Berro évoque son projet « Good Days ‐ Bad Days » qui fait référence à la vie où tout se mélange dans un même moment. Elle interprète ensuite Les fleurs de Sakura, un morceau qui symbolise pour elle la renaissance. Le magma fracassant et sans nuances de la section rythmique ne permet guère au public de percevoir les phrases que chante puis souffle Lisa Cat-Berro sur son alto.
Le répertoire se poursuit avec Changing Times qui fait référence au temps qui change. Chanté en anglais, le morceau développe un climat folk et mélancolique aux tonalités un peu mièvres. Place ensuite à Water Girl, un folk-song. Lisa Cat-Berro chante puis elle s’époumone à l’alto tandis que le batteur tambourine sans aucune subtilité. Seule au saxophone, la leadeuse entame Un autre jour (sans toi), une composition personnelle enregistrée sur son disque « Good Days - Bad Days » où la voix d’Anouk Aimée reprenait les mots d’une lettre dite par Romy Schneider dans le film de Claude Sautet, « César et Rosalie ». A Cluny ce 22 août 2025, points de mots mais des interactions entre saxophone et guitare. Les notes défilent, le son sature, rien de vraiment musical n’advient.
Lisa Cat-Berro interprète ensuite le morceau intitulé Fifty Four qu’elle a composé en Bourgogne sur un clavier de 54 touches (sic…). Elle expose le thème à l’alto puis est rejointe par le trio guitare/basse/batterie et par Karine Séraphin. L’intensité sonore exponentielle ne permet guère d’apprécier à sa juste mesure la teneur musicale de ce titre sur lequel Nicolas Larmignat se déchaîne sans compter.
Le groupe continue avec Waiting for you, une chanson sur l’absence, l’histoire d’une femme qui attend son aimé. Pour ce morceau folk à souhait, Lisa Cat-berro pose le saxophone et chante avec la basse de Stéphane Decollly. Elle sollicite le public qui joue le jeu et entonne de tièdes « too doo doo doo » qu’accompagne la guitare de Julien Omé.
Après avoir confié au public que ses sources d’inspiration majeure s’inscrivent dans la folk des années 70, celle de Joni Mitchell, Crosby, Stills, Nash & Young, la saxophoniste ré-embouche son alto sur le beat folk du Old Man de Neil Young. Les notes déchirées de la guitare tentent en vain de trouver les portes de l’univers hendrixien alors que le batteur reprend ses battements et roulements dépourvus de toute subtilité. Lisa Cat-Berro esquisse des pas de danse sur le côté de la scène puis revient à l’alto. Son chorus se noie dans l’expression sans nuance des rythmiciens.
Lisa Cat-Berro dédie ensuite le titre Réincarnation à sa maman décédée en juillet. Au-dessus de la voix du penseur indien Juddi Khrishnamurti s’élève le chant planant de l’alto puis la section rythmique furieuse revient et porte l’intensité sonore à son paroxysme.
Certes, la vie est faite de hauts et de bas, il en est allé de même pour le concert de Lisa Cat-Berro… avec plus de bas que de hauts. Dommage !
« India », le voyage enchanteur de Louis Sclavis
Jazz Campus en Clunisois 2025 – Trio ETE
Pour la cinquième et dernière soirée au Théâtre les Arts de Cluny, le superbe Jazz Campus en Clunisois 2025 invite Andy Emler à la tête de son trio ETE. Pour son nouveau projet, « There is another way », le pianiste et compositeur réunit autour de lui le contrebassiste Claude Tchamitchian et le batteur Éric Échampard. Trois complices inspirés au service d’un univers musical en expansion. Trois musiciens inspirés, une musique en expansion.
Jazz Campus en Clunisois 2025 – Francesca Han – Lisa Cat-Berro
Pour son cinquième soir sur la scène du Théâtre les Arts de Cluny, c’est un double plateau que propose Jazz Campus en Clunisois 2025. Après le concert solo de la pianiste coréenne Francesca Han, la saxophoniste Lisa Cat‐Berro, à la tête de son quintet, présente son programme « Good Days‐Bad days ». Une soirée en deux temps où le tumulte succède à l’élégance.






Suite à cette version stimulante de Climax Change, la guitare introduit Interlude alors que Sylvie Gastaud fait entendre le texte qui narre l’odyssée du migrant Sévérino. Les effets électriques du Rhodes de Jozef Dumoulin soutiennent le solo du sopranino de Christophe Monniot. L’intensité musicale augmente alors que la voix de la mère du leader évoque l’exil de son grand-père loin des colonies ukrainiennes. Les accablantes conditions de vie des migrants sont mentionnées pendant qu’échangent les instrumentistes. Claquements sur le manche de la contrebasse, grincements des baguettes sur les cymbales, notes égrenées sur le clavier du piano forment un allègre mélange sonore au-dessus duquel interviennent avec véhémence trompette et saxophone alto. La tension monte, le Rhodes génère un climat sonore étrange. Guitare et contrebasse rivalisent avec le discours échevelé et pulsatile de la batterie de Franck Vaillant. Poussé par une rythmique déchaînée, Aymeric Avice développe un chorus bouillonnant sur sa trompette. Comme exaspérées et exaltées par la densité de l’environnement musical, les notes jaillissent avec force et contribuent encore à densifier l’ambiance. Place ensuite à un singulier solo de batterie que tous les musiciens écoutent avec attention. Le temps semble comme suspendu puis le groupe reprend le thème et termine le morceau.
Le saxophone alto pleure, soutenu par le tissu musical intense que tisse le groupe. La voix fait allusion aux déplacements des migrants qui ne peuvent plus avancer car « la mer est devant eux… » et ils ne pourront être mis en terre.









On serait tenté d’intituler ce morceau onirique « Songe d’une nuit clunisoise ». Après avoir félicité Didier Levallet pour son festival débuté il y a 48 ans, Andreas Schaerer entame une incantation qui gagne en puissance puis la guitare improvise dans les aigus et la basse électrique les rejoint.





De ses propos se dégagent des impressions cosmiques. Sur une rythmique de ballade,Romain Nassini installe un climat stratosphérique avant que ses arpèges esquissés à traits rapides et un roulement de batterie tonique aux baguettes n’ouvrent l’espace au trombone. Il nous échappe pourquoi le leader se positionne dos tourné au public, face à ses compagnons pour les diriger un instant. Le public est mis en orbite par les cymbales de la batterie frappées par les mailloches et la guitare qui étire le rythme. Romain Nassini enchaîne avec une improvisation limpide et son Rhodes installe un climat vaporeux. Stimulée par les rythmiciens, la musique s’intensifie au fil des accords, la batterie instaure un tempo rock et le trombone « royal » intervient sur la pulsation binaire. Le public réagit en écho et applaudit avec ferveur avant un retour au thème… le calme après la tempête… !
Tout en chantant, sourire aux lèvres, André Minvielle marque le rythme en battant des mains sur un sac plastique posé sur sa poitrine puis Géraldine Laurent prend un chorus virtuose et allègre. C’est ensuite en duo que le pianiste et le chanteur interprètent Débit de l’eau, débit de lait, chanson écrite en 1943 par Charles Trenet et Francis Blanche. Des scats vocaux parsèment l’intervention du chanteur.
Géraldine Laurent pendant que Guillaume de Chassy assure la rythmique au clavier. Nostalgie et rêve sont au rendez-vous sur la scène du Théâtre les Arts.
Guillaume de Chassy dont les traits mélodiques de la main droite sont soutenus par l’accompagnement rythmique de la main gauche. Quelques dissonances donnent du piment au discours. Le duo se reforme et réinstalle une douce tendresse musicale avant que le rythme ne monte en intensité jusqu’à la fin du morceau.
En rappel le trio interprète De Dame et d’homme, musique de Marc Perrone sur laquelle André Minvielle a écrit des paroles. Un hommage chargé d’émotion rendu à cet artiste qui ne peut plus jouer mais a écrit d’un doigt, le livre « Tu vois, c’est ça qu’on cherche » (Éditions de l’Humanité) qui sortira à Uzeste en août 2025. Le lendemain le trio sera d’ailleurs en Gascogne, au festival « Uzeste Musical » où il présentera le répertoire de « Trenet en chantant ».