Trois ans après « Morricone Stories » dédié à Ennio Morricone, le saxophoniste italien Stefano Di Battista est de retour avec « La Dolce Vita », un nouveau projet ancré dans la culture populaire de son pays. En quintet, il fait résonner sous un nouveau jour douze chansons italiennes emblématiques de l’âge d’or de l’Italie. L’album navigue entre ferveur et nostalgie.
All Night Jazz – Jazz à Vienne
Kamasi Washington, un passeur entre innovation et tradition
Pour de nombreux fans de jazz, Kamasi Washington incarne la soirée All Night Jazz 2016. Son jazz organique et massif, à la fois calme et transique, empreint des influences du passé et porteur des promesses de demain. Et après le concert, le désir de l’écouter encore et plus avant.
All Night Jazz ! Trois mots pleins de promesses. Du jazz jusqu’au bout de la nuit, en fait du jazz jusqu’au lever du jour, avec croissants et café en prime. Avec toujours en ouverture de la soirée, le lauréat du Tremplin RéZZO Jazz Focal de l’année précédente suivi d’une brochette de groupes qui enchaînent leur prestations avec pour objectif de garder le public éveillé et plein d’ardeur pour que le dernier groupe soit encore soutenu par les festivaliers survivants. De ce côté là, le schéma a été respecté.
Habituellement la soirée All Night Jazz annonce la fin du Festival Jazz à Vienne mais en 2016, ce n’est point le cas. Elle est suivie par deux journées de programmation labellisée « jazz Mix » et d’une Nuit du Blues avec Buddy Guy en clôture des festivités de « Jazz à Vienne ». Un tel changement n’entrave en rien la portée et l’attractivité de cette nuit toujours vêtue de ses plus beaux atours de jazz.
C’est NOx.3 qui ouvre. La prestation du groupe lauréat du tremplin RéZZo Focal Jazz à Vienne 2015 a offert un set éreintant où les décibels occupent le devant de la scène sans aucune nuance. Le concert donné par le groupe lors du festival à Vaulx Jazz, devant seulement une dizaine de spectateurs (en raison d’un horaire avancé) avait apporté plus de surprise que le set de 30 minutes du 13 juillet devant plus de 3000 spectateurs. On sentait Mathieu Naulleau très préoccupé par la nouvelle barre de capteurs installée dans son piano et du coup sa disponibilité est apparue moindre lors de ses interactions avec les frères Nox, Nicolas (batterie) et Rémi (saxophones). Dommage, l’empire noxien n’a pas tenu ses promesses.
La scène appartient ensuite à la chanteuse Robin McKelle. Après 7 ans d’absence au Théâtre Antique, la chanteuse américano-irlandaise revient présenter son nouveau projet via le répertoire de son dernier album « The Looking Glass » teinté de « pop soul ». La chanteuse parle d’un répertoire très personnel auquel elle tient beaucoup. C’est pour elle un nouveau chapitre de sa vie musicale qui se teinte d’un esprit plus frais avec de nouveaux musiciens. Robin McKelle est visiblement à l’aise sur scène où elle bouge avec brio. Elle sait alterner les ambiances et offre un spectacle ovationné par un public très réceptif.
C’est ensuite au tour de Faada Freddy. Le chanteur/rappeur de Dakar. Il présente son album « Gospel Journey ». Il utilise son corps tout entier pour faire résonner son chant. Avec ses compagnons de scène il met son groove au service de la musique. Tout y passe. Sa musique mixe drum’ bass, reggae et africanité. Ça fonctionne et il parvient à convaincre le public de le rejoindre dans son show. Une partie de la foule est visiblement venu pour Faada Freddy et reçoit avec bonheur sa généreuse prestation.
Arrive ensuite le tour de celui qu’attendent les aficionados du jazz.
Le saxophoniste Kamasi Washington que l’Europe a découvert en décembre 2015 via son triple album « The Epic » (Brainfeeder). Annoncé comme un fils de Sun Ra et de Pharoah Sanders, un héritier de la famille de Coltrane, le saxophoniste est précédé d’une déjà fameuse réputation. Au regard de la durée du set annoncé il était évident que la frustration serait de la partie pour les auditeurs désireux de découvrir Kamasi Washington. La palette des possibles de l’artiste est si étendue qu’il aurait fallu la nuit entière pour permettre au saxophoniste de déployer toutes les couleurs de ses talents.
Cette frustration est peu de chose au regard de ce qu’on a pu recevoir. Une musique à la croisée des jazz d’hier et de demain. Un jazz d’aujourd’hui. Une performance produite par un saxophoniste solaire entouré d’instrumentistes qui croisent leurs discours pour tisser leur musique. Sur scène point de confrontation mais des échanges, point de décibels tonitruants mais une masse orchestrale organique dont la sonorité captivante fluctue au fil des morceaux.
Le tromboniste Ryan Porter, le claviériste Brandon Colemen aka Professor Boogie, le contrebassiste Miles Mosley
(dont le nom est gravé sur la contrebasse), les batteurs Ronald Bruner Jr et Tony Austin, la chanteuse conteuse Patrice Queen. Tous sont attentifs, furieux ou concentrés mais toujours réactifs. Ils contribuent au spectacle, sans se donner en exhibition, sans excès d’ego. Ils semblent dans le plaisir de jouer, d’être ensemble, de jouer leur musique. Un vrai savoir-vivre musical basé sur l’écoute, sans surenchère d’effets.
En habit traditionnel africain, le saxophoniste leader conduit l’orchestre avec une sérénité pacifique qui demeure lorsqu’il embouche l’instrument. C’est fascinant. Les pieds ancrés sur scène, le colosse propulse son souffle avec aisance et une apparente facilité, avec une puissance alliée à une relative félicité. Il se dégage une musique de transe où le son règne en roi. Avec en ouverture Re Run Home, on goûte à l’énergie débridée et au groove absolu. Advient le contraste avec l’interprétation du Clair de Lune de Debussy… le climat devient contemplatif. Les musiciens sont rejoints par le père de Kamasi Washington Rickey Washington,au saxophone soprano.
Quand le set se termine sous les acclamations du public, le temps reprend son cours normal. On se re
trouve un peu sonné, comme dépaysé après le passage de Kamasi Washington et de ses aliens. Il reste les souvenirs et l’espoir de l’écouter prochainement après la sortie de son prochain album.
Avec The JB’s James Brown band et l’organiste Cory Henry & Funk Apostles, se termine une All Night Jazz 2016 marquée du sceau de l’inoubliable Kamasi Washington.
« La Dolce Vita » selon Stefano Di Battista
« Mères Océans » de Christophe Panzani
Christophe Panzani présente son nouveau projet, « Mères Océans ». Le saxophoniste présente une musique intime où alternent douceur et puissance, acoustique et électronique. Les émotions subtiles sont portées par des mélodies de rêve. Un poème musical intimé dédié à sa mère disparue.
Jazz à Vienne 2024 – La programmation
Pour sa 43ème édition, du 27 juin au 12 juillet 2024 avec une soirée supplémentaire le 16 juillet, le festival, Jazz à Vienne propose 16 jours de concerts. Le célèbre les 20 ans de la disparition de Claude Nougaro, avec « NewʼGaro », une création hommage, en collaboration avec d’autres festivals. Vingt-huit nationalités seront présentes avec un focus européen sur la Suisse et Stracho Temelkovski en artiste associé. Pour plus de la moitié des artistes le Théâtre Antique constituera une première. Une programmation ouverte à tous les publics… à découvrir avec gourmandise.
Le 11 juillet, Chick Corea est entouré du valeureux et incontournable Christian McBride (contrebassiste et bassiste), du saxophoniste Kenny Garrett, du trompettiste Wallace Roney et du batteur Marcus Gilmore. Du début à la fin de set le sourire ne quittera pas le visage du pianiste. Pour rester fidèle à lui-même passera alternativement du clavier acoustique à l’électrique. A aucun moment Chick Corea ne fait étalage de sa technique dont on connait pourtant l’étendue. Il déroule les fils de ses improvisations avec légèreté et précision et accompagne ses compagnons talentueux auxquels il est très attentif. Il procède par touches délicates ou par relances efficaces plus appuyées et prend visiblement autant de plaisir à les accompagner qu’à se mettre en avant.
Élégant et souriant le chanteur n’a rien perdu de son charisme. Ses postures évoquent celles d’un prêcheur qui porterait la bonne parole, celle d’une musique qui n’a pas peur d’affirmer ses singularités. La voix de baryton chaleureuse et caressante de Gregory Porter est portée par un quartet qui met en valeur sa prestation. Les interventions très rondes du saxophiste ténor Tivon Pennicot remplacent avantageusement les folles envolées du saxophoniste alto présent à ses côtés les années précédents.
Gregory Porter ouvre avec Holding on et interprète aussi le thème éponyme de son dernier album « Take me To The Alley » dont il propose aussi Fashion, titre un peu atypique de son dernier opus où il scatte avec brio. Après quelques morceaux dont On my way to Harlem enregistré sur l’album « Be Good », la tonalité est donnée et les spectateurs sont acquis. Gregory Porter s’éloigne alors de ses propres compositions pour interpréter Papa was a Rolling Stone immortalisé par les « Temptations » dans les années 60. A peine le chanteur a-t-il lâché « clap your hand ! » que le Théâtre résonne des battements de mains enthousiastes de la foule. On se croirait au cœur d’une cérémonie gospel où le pasteur Porter officie. « Preacher Porter », ce titre lui sied vraiment !
Tigana Santana propose un répertoire principalement issu de son album « Tempo & Magma » où il célèbre un Brésil ancré dans ses traditions africaines, du côté de l’Angola et du Nigéria. Au Brésil, l’influence bantoue est très forte au niveau du comportement, de la pensée et de la spiritualité. Il existe de facto une continuité entre les traditions venues de ces pays d’Afrique et celles de Bahia. Tigana Santana donne corps à ce lien. Sa voix porte le chant de la diaspora de ce peuple africain transporté au Brésil lors de la période esclavagiste. Dans ses chants, il s’exprime en Portugais, Français, Anglais mais le plus souvent dans les langues tribales africaines (idiomes kokongo, kimbundu, tshiluba, …).
Dans les civilisations qu’il a étudiées, toute manifestation artistique est acte de philosophie et vice-versa. Ce philosophe (doctorant en philosophie à l’université de São Paolo) pratique la poésie, la composition et le chant pour perpétuer le lien entre l’Afrique et le Brésil. Cela fait de lui le Brésilien le plus africain du Brésil. La combinaison de ces deux aspects de la diaspora africaine dans la musique de Tigana Santana est une affirmation artistique et politique qui irradie la création de cet artiste singulier et talentueux.
L’accompagnement sobre et discret du percussionniste Inor Sotolongo met en valeur les ballades délicates. Les rythmes subsahariens portent les mélodies troublantes. Même lorsque le chanteur s’exprime le poing levé (révolte ou combat ?) le chant confine à la prière et à l’incantation.
C’est « Esperanza Spalding Presents : Emily’s D+Evolution », un album conceptuel créé comme une suite poétique de tableaux musicaux vivants, une sorte d’audio-portrait.
, spectacle dans lequel elle crée un monde autour de chaque chanson. Sur scène la bassiste a visiblement envie de chanter et utilise le langage du corps, elle ondule avec grâce sans pour autant proposer une performance de danse, loin de là.
rration.

Comme on peut s’y attendre au regard des trajectoires des trois musiciens, le trio ne pratique pas un jazz « standard ». Le répertoire est adapté à cette formation électrique.