Coup de cœur pour « Kaboom » et Michel Meis 4tet

Coup de cœur pour « Kaboom » et Michel Meis 4tet

D’une singularité inouïe

Le quartet luxembourgeois du batteur Michel Meis annonce la sortie de son deuxième album, « Kaboom », avec en invité, le violoniste français Théo Ceccaldi. Le titre explosif de l’opus est en parfaite adéquation avec son contenu musical. Un jazz moderne, nerveux et dynamique où alternent mélodies accrocheuses et improvisations décapantes et inspirées. Avec un goût affirmé pour la diversité des ambiances et les structures complexes, la musique affirme son identité qui tranche avec les formats consensuels. A découvrir et à partager !

visuel de l'album Kaboom de Michel Meis QuartetAprès son premier album « Lost in Translation » (2019), le quartet du batteur luxembourgeois Michel Meis sort « Kaboom », un deuxième opus annoncé pour le 28 mai 2021 sur Double Moon Records.

Avec aplomb, un superbe et mystérieux chat blanc aux yeux verts illustre le visuel de l’album et son livret. Le blanc fait aussi consensus pour la pochette et la tenue des artistes.

Tout comme le félin, le quartet s’octroie la liberté de faire ce qu’il veut… une musique lumineuse à la singularité inouïe qui dépayse et réjouit l’oreille.

Sur « Kaboom », avec souplesse et sans aucun heurt, Michel Meis 4tet navigue entre vibrations rock et pulsations jazz, entre effets rythmiques et mélodies lyriques, entre improvisations éclatantes et expérimentations originales.

« Kaboom »

Pour « Kaboom » (Double Moon Records/DistrArt Music) du Michel Meis 4tet, enregistré en décembre 2020, Michel Meis a réuni la même équipe que celle de son premier album. La tromboniste Alisa Klein, le pianiste Cédric Hanriot et le contrebassiste Stephan Goldbach. Sur cinq titres, le quartet invite le violoniste Théo Ceccaldi. La cohésion du groupe ne se dément à aucun moment mais cette osmose n’altère en rien la singularité de l’expression de chaque artiste. Son chaleureux et chargé d’émotion du trombone, force et élégance de la contrebasse, piano plein d’assurance mais riche en surprises, fougue et impétuosité maîtrisées de la batterie, élan et flexibilité du violon.

Entre sept pièces longues de sa composition, Michel Meis intercale quatre miniatures, deux de sa plume, une à créditer à Théo Ceccaldi & Stephan Goldbach et une autre à Cédrick Hanriot. Dans ces interludes prévaut l’improvisation. Expression solo pour le piano et sur les autres, des conversations entre violon et contrebasse, contrebasse et piano, batterie et trombone.

Au fil des titres

L’album ouvre avec Full Pedal Jacket. Basé sur riff qui revient tout au long de ses 8’42, le morceau débute de manière impétueuse et le quartet sonne comme un big band, son puissant et ardent du trombone, martèlement des notes du piano, envolées lyriques du violon, vigueur de la rythmique. Le piano apaise le climat puis embrase de nouveau l’atmosphère. Plus loin, le violon envoutant déroule ses lignes musicales sinueuses chargées de mélancolie. Après ce premier titre qui fleure bon l’hommage à Stanley Kubrick, advient un interlude joué solo par le piano, un moment onirique et précieux.

Tout le groupe se retrouve sur State of Uncertainty, piste écrite par le leader en plein confinement. Le titre et l’atmosphère évoquent à n’en pas douter l’état d’incertitude dans lequel se trouve le monde, ce que restituent tout à fait les changements de rythme. Le climat sonore oscille entre rythmes effrénés et mélodies oniriques. Jeu éclatant du trombone, souplesse féline du violon, respirations vibrantes du piano, pure élégance de la contrebasse, riches ponctuations rythmiques de la batterie. Un dialogue s’instaure ensuite sur un très court interlude entre les cordes de la contrebasse et celles du violon. Sonorité boisée des premières, pizzicati acidulés des secondes.

Très éclectique dans sa structure qui fait alterner plusieurs formes musicales, Kaboom déborde de puissance et de lumière. Après une introduction explosive trombone/violon, piano, batterie/contrebasse, le solo du violon illumine l’espace sonore par sa flamboyance mise en valeur par le drive de la batterie. Le piano dompte son impétuosité puis la laisse éclater et rallie à sa cause l’ensemble orchestral fulgurant d’énergie. Au mitan de l’album, le titre qui donne son nom à l’album inclut les éléments clés de la musique du groupe.

Avec une introduction au bruitisme spatial, Coming Together transporte le quartet vers un voyage cosmique. L’archet de la contrebasse fait résonner des notes graves, le clavier égrène des perles aiguës qui entrent en vibration avec les sonorités médium soufflées par le trombone au-dessus des effleurements des balais sur les cymbales. Par un enchainement subtil et presque sans rupture, le quartet rallié s’achemine vers She, une ballade atmosphérique écrite par Michel Meis pour Alisa Klein dont il dit qu’elle représente « l’âme du groupe ». Le trombone à la sonorité ample et moelleuse égrène des notes dans le registre grave alors que le piano lui répond par de courtes impulsions dans les aigus. Après le chorus lyrique du soufflant, la contrebasse chante au-dessus des nappes du Rhodes puis le piano développe un solo lyrique qui ravit par ses surprises.

Après un interlude fondé sur les arabesques du piano accompagné par l’archet de la contrebasse, débute le dansant Red Desert Air. Le thème repose sur un motif joué en continuum jusqu’à en devenir hypnotique, par le trombone et la contrebasse, lesquels sont rejoints par le piano et la batterie. Suit alors une énergique et captivante improvisation du trombone. L’accompagnement rythmique qui fait alterner ruptures et salves est somptueux. Le titre restitue tout à fait la chaleur torride qui se dégage d’une désertique étendue de sable chauffée à blanc. On en sort décoiffé.e !

Après un déferlement fracassant de la batterie, le souffle du trombone tisse ensuite une complainte d’une mélancolie infinie au-dessus du déchainement incessant des baguettes sur les tambours. A la suite de ce dernier interlude, se profile Re:build, « composition commandée (à Michel Meis) sur la reconstruction économique et sociale du Luxembourg détruit après la Seconde Guerre mondiale ». Après introduction du piano solo, batterie, contrebasse, trombone, Rhodes et violon entrent en piste. Les instruments créent un climat dont l’effervescence ne va cesser de varier. Les frontières s’amenuisent entre écriture et improvisations portées par des riffs rythmiques incessants que développent trombone, contrebasse et batterie. Après une virulente intervention du trombone et une improvisation du Rhodes interrogatif, le violon développe un jeu tendu et explosif qui s’achemine vers un territoire sonore plus calme où il est rejoint par l’archet de la contrebasse et par le trombone. Cette pièce qui oscille incessamment entre montées et descentes dynamiques termine avec brio le répertoire de cet album remarquable.

« Kaboom, un concentré d’éclectisme qui allie avec bonheur lyrisme et énergie, élégance et émotion. Sur cet opus peu conventionnel qui cultive la diversité, les plages font alterner les rythmes, naviguent entre dynamisme et mélancolie, entre chaleur et fureur. Un jazz actuel qui préfigure celui de l’avenir.

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Dmitry Baevsky présente « Soundtrack »

Dmitry Baevsky présente « Soundtrack »

Album photo musical

Le saxophoniste Dmitry Baevsky présente son 9ème album, « Soundtrack ». En treize tableaux, l’altiste brosse l’album photo musical de son parcours de vie. Avec éclat et lyrisme, il parcourt l’histoire du jazz et délivre une musique au pouvoir narratif puissant.

A la tête d’un quartet à la cohésion inébranlable, le saxophoniste Dmitry Baevsky offre avec « Soundtrack », un album saisissant d’énergie et de lyrisme. Sorti le 21 mai 2021, ce neuvième album du leader a été enregistré à New York pour le label Fresh Sound New Talent. Autour de l’altiste sont réunis le pianiste Jeb Patton, le contrebassiste David Wong et le batteur Pete Van Nostrand.visuel de l'album Soundtrack de Dmitry Baevsky

L’album évoque Saint-Pétersbourg, les rives gelées de la Neva, les grandes avenues new-yorkaises, la difficulté d’être un étranger dans une grande ville, les clubs bondés de Greenwich Village, la nostalgie, la beauté de Paris, l’excitation des nouveaux départs. On passe d’une chanson populaire russe à un thème d’Ornette Coleman, de Sonny Rollins, d’une mélodie classique tirée de l’opéra « Le Prince Igor » d’Alexandre Borodine à une chanson de Michel Legrand écrite pour « Les Demoiselles de Rochefort », de compositions de sa plume à un standard qui narre l’automne à New York.

« Soundtrack » met en évidence éclectisme et le talent insolent de cet altiste au son unique. Avec élégance, Dmitry Baevsky inscrit son propos musical dans l’histoire du jazz. Sans forcer son art, il impressionne par son jeu technique exemplaire autant qu’il émeut par sa verve mélodique et son lyrisme inspiré.

Saint-Pétersbourg… New York… Paris

Saint-Pétersbourg

Fils unique d’un écrivain et d’une traductrice, Dmitry Baevsky grandit à Saint-Pétersbourg où il est né (la ville s’appelait alors Léningrad).

« Mon premier saxophone venait de Tchécoslovaquie. Je suis entré dans une école de musique à 14 ans et me suis inscrit pour faire partie du big band. Mon intention initiale était de jouer de la guitare, mais ils manquaient de saxophonistes dans la section des cuivres et je me suis retrouvé avec un alto… » Il se découvre alors une véritable passion pour la musique. En 1991, le jeune musicien intègre le Mussorgsky College of Music à Saint-Pétersbourg et étudie avec le brillant saxophoniste russe Gennady Goldstein.

Au Jazz Philharmonic Hall de Saint-Pétersbourg (l’un des principaux clubs de jazz de la ville), il rencontre Ann et Bob Hamilton, un couple américain qui assiste à son concert et lui propose de l’aider à se rendre à New York pour un stage de jazz de 2 semaines.

« J’ai manifesté mon intérêt et un an plus tard, ils avaient obtenu un visa pour moi et proposaient de me loger pendant mon séjour ».

New York

Dmitry Baevsky débarque à New York et « Le court voyage prévu s’est prolongé en un séjour de six mois chez les Hamilton. »

Il auditionne pour intégrer le département Jazz de la prestigieuse New School University de New York. Il obtient une bourse pour sa scolarité complète à la suite de quoi il quitte la Russie qu’il ne reverra que quinze ans plus tard. A la fin de ses études, il est un membre à part entière de la scène jazz locale et décide alors de s’installer à New York.

Avec son timbre sombre et chaleureux, sa technique redoutable et un sens évident du drive, Dmitry Baevsky est devenu l’un des saxophonistes incontournables de la scène jazz new-yorkaise. Parmi les musiciens avec lesquels il a joué ou enregistré, on peut citer Benny Green, Peter Washington, Willie Jones III, David Hazeltine, “Killer” Ray Appleton, David Williams, Peter Bernstein, Cedar Walton, Dennis Irwin, Jeremy Pelt, Joe Cohn, Steve Williams, Joe Magnarelli, Jesse Davis, Ryan Kisor, Gregory Hutchinson, Roger Kellaway, Leon Parker, Dena De Rose et bien d’autres encore.

« New York est une ville si contrastée ; accueillante et gratifiante un jour, cruelle et solitaire le lendemain. J’ai passé la plus longue partie de ma vie là-bas et je me considère toujours comme un New-yorkais. »

Paris

Dmitry Baevsky a découvert la capitale française au fil de ses tournées régulières en Europe. En 2016, il s’installe à Paris avec sa famille tout en maintenant une forte connexion professionnelle avec New York.

Nouvelle ville, nouvelle vie, nouvelles scènes. Les années passent et avec « Soundtrack », le saxophoniste livre un album très personnel où il offre des portraits musicaux de sa vie.

« Les treize morceaux de ce disque peuvent s’écouter comme on tourne les pages d’un album photo : la musique que j’ai choisie pourrait être la bande originale de ma vie. J’espère qu’en l’écoutant, vous pourrez entrevoir mon histoire. »

Au fil des pistes

Avec Evening Song, on imagine suivre le saxophoniste à travers les rues de sa ville natale. Dans un style West Coast, l’alto dessine sur la composition de Vasily Solovyov-Sedoi, une ligne mélodique empreinte de mélancolie qui serpente, irriguée de fulgurances. Le registre médium de l’alto évoque le souffle chaud d’un ténor mais le phrasé très vif de son solo ne laisse aucun doute quant à l’instrument. Sur Vamos Nessa de Joao Donato, le jeu saccadé de l’alto évolue en même temps que celui du piano. Haletant voire même convulsif, il n’en demeure pas moins fluide.

Sur sa composition Baltiyskaya, Dmitry Baevsky manifeste une grande affinité pour le blues mineur. Il fait preuve d’une virtuosité maitrisée et déconcertante pimentée de fulgurances qui ne sont pas sans évoquer celles d’Art Pepper. Dans ce style bop, le pianiste s’exprime avec une grande liberté harmonique. C’est avec souplesse que le saxophoniste adapte ensuite la composition de Sonny Rollins, Grand Street. La sonorité de l’alto est profonde et chaleureuse et son jeu explosif. Le solo du pianiste au toucher précis rappelle nombre de ses influences et la courte improvisation chantante du contrebassiste permet d’apprécier le son boisé de son instrument.

Dmitry Baevsky

Dmitry Baevsky©Capucine de Chocqueuse

Plus loin, le quartet restitue à merveille sur The Jody Grind, le style funky d’Horace Silver, compositeur du thème. Tel un acrobate, l’alto balance entre emphase et souplesse. Sans transition, le saxophone adopte ensuite une sonorité plus veloutée et un débit déconcertant de fluidité pour interpréter avec une belle élégance, La Chanson de Maxence, composée par Michel Legrand pour son film « Les Demoiselles de Rochefort ». C’est ensuite Over and out, un titre du leader que le quartet interprète. Sur ce morceau inscrit dans le plus pur style bop, l’alto saisit autant par sa fougue que par la souplesse de son discours articulé avec dextérité sur un tempo ultra rapide.

Avec délicatesse et sur une rythmique originale, le quartet réactualise Le Coiffeur. Sur ce thème de Dexter Gordon, l’alto s’exprime avec lyrisme et prouve combien il maîtrise l’art de l’accentuation tout au long de ses phrases développées avec souplesse et vélocité. Les quatre complices interprètent ensuite avec fidélité une reprise du thème d’Ornette Coleman, Invisible. Après le chorus fluide et agile de l’alto, le piano tranche par un propos plus insurrectionnel.

Le contraste avec la ballade qui suit, est saisissant. En effet, sur Autumn in New York, le saxophone adopte un son rond et moelleux et son jeu manifestement imprégné d’une influence West Coast, livre une autre facette de son expression. On se souvient alors de Benny Carter ou Johnny Hodges. Un pur délice !

Place ensuite à un autre grand standard avec une reprise de Stranger in Paradise sur lequel le saxophoniste balance entre douceur et énergie, avec une aisance rythmique renversante. Sur Tranquility, le quartet restitue tout à fait l’esprit serein de la composition d’Ahmad Jamal. Le piano groove avec un feeling remarquable puis le solo de l’alto ondule avec une vigueur à laquelle ne manque ni grâce ni nuance.

L’album se termine avec Afternoon in Paris. Après une introduction de l’alto à la sonorité cette fois plus tranchante, la contrebasse offre une improvisation chantante puis, saisit de fièvre, le saxophone se lance dans un solo aventureux plein d’agilité et d’inventivité accompagné par le duo rythmique avec qui il échange avec un plaisir palpable. Un superbe hommage à Paris.

Avec « Soundtrack », Dmitry Baevsky prouve qu’il fait partie de ces altistes avec lesquels le jazz doit compter. Brillant, véloce, élégant et émouvant.

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Le contrebassiste Mauro Gargano signe « Feed »

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Musique, nourriture de l’âme

En 2021, le contrebassiste et compositeur Mauro Gargano propose « Feed », un nouvel album enregistré en trio avec le pianiste italien Alessandro Scobbio et le batteur français Christophe Marguet. Huit plages d’un jazz moderne et exigeant dont les vibrations poétiques nourrissent l’âme et irriguent l’imaginaire de rêveries singulières.

visuel de l'album Feed de Mauro GarganoAprès le fort raffiné et poétique « Nuages » sorti en 2020, le contrebassiste Mauro Gargano revient le 07 mai 2021 avec « Feed » (Diggin Music Prod/Absilone Socadisc). Composé entre avril et septembre 2020, le répertoire de l’album reflète les réflexions du leader lors de la première vague de la pandémie.

En trio avec le pianiste Alessandro Sgobbio et le batteur Christophe Marguet, le compositeur et contrebassiste Mauro Gargano propose huit pistes d’une musique sans concession où alternent tensions collectives et expressions individuelles. Son écoute réactive le souvenir de ces moments étranges où regarder par la fenêtre était le seul voyage possible et où la musique nourrissait les rêves d’évasion vers un monde libéré des contraintes imposées par le virus.

Enregistré à Paris où réside Mauro Gargano depuis des années, « Feed » délivre des sonorités chargées d’énergie, de surprises et d’espoir.

En ouverture de l’album, Feed se donne à découvrir au fil de 7’26 d’une musique ondulatoire pleine de surprises. A partir d’un motif répétitif de la contrebasse, le piano soutenu par une batterie au jeu tellurique déverse des torrents d’arpèges vibratoires. Après un début tout en hésitation, le titre offre une structure solide dont les débordements rythmiques stimulent l’oreille et enchantent l’écoute. Telle une nourriture mentale apéritivante, Feed ouvre l’envie de découvrir l’album plus avant.

Full Brain installe ensuite une étrange atmosphère. Débutée sur un tempo lent avec des volutes pianistiques tout en suspension et un accompagnement rythmique déstructuré sur des mesures impaires, cette seconde plage musicale s’enflamme en un crescendo rythmique. Contrebasse et piano rivalisent de puissance et réitèrent chacun de son côté un thème trituré inlassablement presque jusqu’à la saturation. Étrangement, cela fait écho à ces pensées redondantes et presque obsessionnelles qui ont pu envahir l’esprit de nombre de personnes confinées.

Plus loin sur l’album, Keep Distance déploie une structure hypnotique imprégnée d’une mélancolique beauté. Le jeu dépouillé du piano et l’accompagnement minimalisme des balais sur les peaux des tambours évoque l’introspection et suggère cette distanciation qui coupe les liens si l’on n’y prend pas garde. Après les tonalités plutôt sombres du début, on se laisse enivrer par les fluctuations du rythme et de l’intensité musicale induite par le jeu répétitif du piano porté par les impulsions de la rythmique. Sur Look Beyond the Window, le titre suivant, le trio engage à porter le regard plus loin. Il instaure d’abord un climat sonore pastoral puis fait évoluer l’atmosphère vers un groove où les synthés sont stimulés par une pulsation rythmique aux accents enrockés. Sans doute le compositeur veut-il ainsi augurer ainsi des ailleurs et des lendemains porteurs d’espoirs… on veut y croire avec lui.

Outre ces propositions musicales en lien avec le contexte sanitaire actuel, Mauro Gargano dédie deux pièces au désastre sanitaire, écologique et social qui touche la région des Pouilles dont il est originaire. Il reprend le thème Pasolini gravé sur « Nuages » et le renomme Ilva’s Dilemma en hommage au peuple de Tarente où l’aciérie d’Ilva a engendré une pollution source d’une catastrophe environnementale. Aujourd’hui ni le repreneur ni l’état italien ne consentent à sécuriser la production pour relancer l’économie tout en préservant la santé de la population. Après une introduction morose, le trio dessine une atmosphère singulière et la musique va crescendo. Le piano éloquent s’enflamme stimulé par le jeu sombre et réitératif de la contrebasse et celui et par celui de la fougueuse batterie. Pour Mauro Gargano, cette composition évoque « la musique des processions des « Mystères » jouées par les “bande municipali” de [s]a région pendant Pâques ». Dans la même veine, The Red Road fait référence à la poussière mortelle qui a pollué et coloré de rouge Tarente. Le morceau se termine par le chant désespéré de la contrebasse après que piano et batterie font résonner un chant qui évoque un tocsin funèbre. Mauro Gargano a composé ce morceau 2 heures en travaillant une étude basée sur les intervalles de neuvième et treizième à la contrebasse. Le titre est dédié à Lorenzo Zaratta, enfant de 5 ans mort d’un type de cancer du cerveau provoqué par la pollution.

En préambule de Lost Wishes, la contrebasse à la sonorité boisée développe une mélopée bluesy sur laquelle se greffe le jeu harmonieux du piano et le drive espiègle et inventif de la batterie. Le contrebassiste confie avoir « essayé d’écrire une chanson de Noël pour ces moments très spéciaux ». Ce thème lent souligné par le chant profond de contrebasse ménage des échappées très libres au piano.

L’album se termine avec le titre Secret Garden dédié au pianiste Gianni Lenoci (1963-2019). Composition originale, le morceau porte le même nom que celle gravée par pianiste disparusur l’album éponyme sorti en 2011. Sur la contrebasse l’archet développe une mélodie évanescente alors que le piano s’exprime comme en flottaison sur un continuum d’accompagnement des balais. Une improvisation collective se développe sur « une série de petits Haiku mélodiques » combiné « dans le cadre d’une improvisation collective plus étendue » avec répétition de « petits motifs rythmiques, toujours répétés avec de petites variations ». … climat épuré, notes raffinées du piano, sombre sonorité de la contrebasse. Une conclusion intime et poétique.

Après avoir apprécié l’album, on espère pouvoir se nourrir très vite de la musique du trio avec la réouverture prochaine des clubs et salles de concert. En conclusion, cette vidéo enregistrée à l’Institut Culturel Italien de Paris constitue une belle mise en oreille et … en appétit.

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Retour de Sébastien Texier & Christophe Marguet 4tet

Retour de Sébastien Texier & Christophe Marguet 4tet

« We Celebrate Freedom Fighters ! »

Trois ans après « For Travellers Only », Sébastien Texier & Christophe Marguet reviennent avec leur deuxième album, « We Celebrate Freedom Fighters ! ». Avec Manu Codjia et François Thuillier, ils célèbrent des combattants qui ont lutté pour la liberté. Un hommage musical rendu à ces femmes et hommes engagés contre toute forme d’obscurantisme, de discrimination, d’exclusion et d’injustice. En cette période perturbée, cet hymne à la liberté résonne avec une grande force.

Sur leur nouvel album « We Celebrate Freedom Fighters ! », le saxophoniste et clarinettiste Sébastien Texier et le batteur Christophe Marguet reviennent avec leurs fidèles compagnons, le guitariste Manu Codjia et le tubiste François Thuiller. Après un voyage imaginaire proposé en 2018 sur « For Travellers Only » (Cristal/Sony Music Entertainment), le quartet invite cette fois à célébrer dix « Freedom Fighters », cinq femmes et cinq hommes qui se sont distingués pour leur engagement et leur lutte pour la liberté.

Deux compositeurs et un quartet

Le programme de « We Celebrate Freedom Fighters ! » (Cristal Records/Believe) sorti le 30 avril 2021, rend hommage au courage et à la dignité de dix fortes personnalités.

Sébastien Texier & Christophe Marguet 4tet

Sébastien Texier & Christophe Marguet 4tet©Jérôme-Prebois

Dix combattants engagés contre l’esclavagisme, le fascisme, la ségrégation raciale, pour la liberté d’expression, la défense des droits de l’homme, des femmes, le droit à l’avortement, combat contre l’asservissement au travail, pour les peuples premiers, pour la vérité : Claudia Andujar, Aimé Césaire, l’inconnu de Tian’anmen, Louis Coquillet, Gisèle Halimi, Rosa Parks, James Baldwin, Sitting Bull, Olympe de Gouges et Simone Adolphine Weil.

Pour raconter et exprimer la force et l’engagement de ces héros, le répertoire intégralement composé par Sébastien Texier & Christophe Marguet conserve les couleurs singulières déjà appréciées sur « For Travellers Only », le premier album du quartet.

Sur « We Celebrate Freedom Fighters ! » la clarinette et l’alto s’envolent, la batterie donne le rythme et caractérise les atmosphères, la guitare brille par ses chorus expressifs et le tuba insuffle son énergie.

Au fil des combats

Quatre compositions de Sébastien Texier et cinq autre de Christophe Marguet célèbrent les soldats de la Liberté.

Sur un riff du tuba débute Yanomami’s Dance dédié à la photographe brésilienne Claudia Andujar (née en 1931) qui, depuis les années 1970, voue sa vie à la photographie et à la défense des Yanomami, peuple amérindien de l’Amazonie brésilienne. Sur un rythme soutenu, alto et guitare déroulent le thème puis l’alto densifie son expression et élève ses phrases sinueuses auquel répond un chorus atmosphérique et fluide de la guitare. La dynamique rythmique rappelant les battements des tambours indiens s’allège durant le solo enchanteur du tuba.

Le répertoire continue avec Aime ces airs, un pamphlet musical joyeux dédié à Aimé Césaire. Sur un rythme de calypso, alto et guitare chantent en hommage à l’inventeur du concept de la négritude qui prône l’identité noire et sa culture. Après un chorus glorieux du tuba et un court solo de batterie, le quartet invite à suivre la parade derrière lui. Dédicacé à l’Inconnu de Tian’Anmen posté seul devant les chars de l’armée chinoise venus réprimer le mouvement du peuple chinois, Elégie résonne comme une complainte recueillie. Les solistes font succéder leurs chants poignants et sobres.

Plus tard, le ton change du tout au tout avec le blues funky tout droit inspiré des années 70 et intitulé Another Country. Cet hommage à l’écrivain James Baldwin (1924-1987) engagé aux États-Unis dans le mouvement contre le racisme et pour les droits civiques et réfugié en France à Saint-Paul de Vence. La guitare fulmine d’étincelles de révolte et l’incandescent alto le rejoint alors que le tuba explose de colère sur un tempo groovy. P’tit Louis célèbre ensuite Louis Coquillet (1921-1942), le cheminot communiste parisien fusillé par l’occupant nazi. La clarinette à la sonorité de velours illumine le morceau de sa virtuosité mélancolique alors que la guitare se fait plus incisive, comme pour signifier l’engagement du résistant.visuel de l'album We Celebrate Freedom Fighters! de Sébastien Texier & Christophe Marguet

C’est sur un bruissement de cymbales que débute Liberté farouche dédié à Gisèle Halimi (1927-2020), infatigable combattante pour la cause des femmes et le droit à l’avortement. Empreinte d’une tendresse nostalgique, la ballade étire le chant de l’alto et les pleurs de la guitare.

Pour honorer la mémoire de Rosa Parks (1913-2005), égérie non violente du mouvement national de défense des droits civiques, Serenade for Rosa se charge de délicatesse et d’émotions. Alto et guitare conjuguent leur sensibilité musicale et offrent une interprétation dont les nuances enchantent. Avec Tatanka Iyotake, le quartet adopte un langage plus tourmenté qui témoigne de la vigueur de Sitting Bull (1831-1890), le fameux chef de tribu et médecin sioux qui demeure une des principales figures de la résistance amérindienne face à l’armée américaine au 19ème siècle et qui a défait le général Custer à la célèbre bataille de Little Big Horn. Le jeu orageux de l’alto et la guitare enflammée chevauchent le tempo débridé impulsé par le tuba et la batterie qui évoquent les charges musclées des combattants.

Avec L’insoumise à mort, le quartet fait ensuite une révérence musicale à Olympe de Gouges (1748-1793) qui a revendiqué la liberté de la femme, soutenu mouvement de défense des droits de la femme et payé son combat de sa vie sur l’échafaud. Alto et tuba lui élèvent une douce prière qui, avec le solo de guitare se transforme en un manifeste énergique. Le répertoire se poursuit avec L’obsession de la vérité dont la relative pesanteur restitue l’engagement politique dont n’a eu cesse la philosophe Simone Weil (1909-1943) dans son combat contre tous les totalitarismes. Alors que le battement incessant des baguettes sur les cymbales évoque la persévérance inouïe de cette combattante humaniste, la mélodie lumineuse jouée par l’alto et la guitare caressante laisse entrevoir une lumière d’espérance.

L’album se termine avec Freedom Fighters, véritable dédicace à tous les combattants de la liberté. Un vent musical organique souffle sur cet hymne groovy qui balance entre spleen et blues.

Section rythmique redoutable d’efficacité, solistes lyriques et inspirés, interprétation riche en nuances, tout concourt à sublimer un propos dont la force narrative est indéniable. Sébastien Texier & Christophe Marguet honorent avec Manu Codjia et François Thuillier, les combattants de la liberté. Une musique lumineuse qui glorifie la lutte pour la liberté, invite à ne pas oublier celles et ceux qui ont combattu pour elle et engage à poursuivre leur combat.


Rhino Jazz(s) Festival 2023 – La programmation

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Du 01 au 22 octobre 2023, le Rhino Jazz(s) Festival 2023 reste fidèle à la recette qui a fait son succès… exigence, coexistence de nouveaux artistes et de talents déjà reconnus, propositions musicales variées, lieux d’accueil multiples. Cette 45ème édition mèle tous les genres musicaux constitutifs du jazz… un soupçon de blues, une pincée de rock, un brin de soul, une larme de pop, une pointe d’émotion… sans oublier du groove à gogo !

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Jazz Campus en Clunisois 2023 – Shabda

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Jazz Campus en Clunisois 2023 – Simon Goubert – Sylvain Rifflet

Le 25 août 2023, Jazz Campus en Clunisois 2023 propose un double plateau sur la scène du Théâtre les Arts de Cluny. En ouverture et en solo, le batteur Simon Goubert fait chanter « Le Matin des Ombres » puis, à la tête de son quartet, le saxophoniste Sylvain Rifflet s’adresse « Aux Anges » et invite le public à les rejoindre dans un monde électroacoustique tourmenté. Contrastée, cette surprenante soirée fait alterner et grondements et tourbillons sonores.

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Clin d’œil à Isfar Sarabski & « Planet »

Clin d’œil à Isfar Sarabski & « Planet »

Savant mélange d’énergie et d’émotions

Le pianiste, compositeur et arrangeur, Isfar Sarabski présente son album « Planet ». A la tête d’un trio piano-basse-batterie, le musicien virtuose s’entoure aussi sur certains titres d’un orchestre à cordes. Il propose une musique qui crée des ponts entre jazz, mugham et musique classique. Quelques moments chargés d’émotion parsèment cet album détonnant d’énergie.

couverture de l'album Planet du pianiste Isfar SarabskiVirtuose du clavier, le pianiste Isfar Sarabski est venu au jazz après une solide formation classique. Sur son album « Planet » à sortir le 30 avril 2021 chez Warner Music, il a réuni à ses côtés le pianiste Alan Hampton et le batteur Mark Guiliana.

Propulsé par cette rythmique détonante, il déploie une grande énergie sur son clavier et jongle avec les octaves. Par bonheur, quelques moments sensibles constituent d’appréciables parenthèses de calme qui tempèrent la fougueuse effervescence du pianiste.

Isfar Sarabski

Né en 1989 à Bakou (Azerbaïdjan), Isfar Sarabski débute la pratique du piano vers l’âge de 3 ans. En 2007, il intègre la Bulbul Music School puis l’Académie de musique de Bakou dans la classe de piano de Farhad Badalbeyli. De cet enseignement il apprend la rigueur de l’univers du monde classique. Il bénéficie ensuite d’une bourse accordée par le Président de son pays et est nommé artiste honoraire de l’Azerbaïdjan. Ainsi, à 16 ans, le pianiste Isfar Sarabski est déjà un jeune espoir prometteur qui se produit dans son pays mais aussi en Norvège et en Russie.

Rien de très étonnant, car la musique est en quelque sorte inscrite dans l’ADN de cet artiste issu d’une famille de musiciens. Il est en effet l’arrière-petit-fils d’Huseyngulu Sarabski, pionnier musical et immense star du monde musulman, chanteur (ténor) d’opéra, acteur et auteur de pièces de théâtre. Le jeune Isfar Sarabski grandit par ailleurs au milieu de la collection des vinyles de son père qui « … étaient littéralement [s]es jouets ».

“Je suis fasciné par les grands vinyles noirs… Je me souviens précisément de ce que j’ai ressenti la première fois que j’ai entendu les disques de Dizzy Gillespie ou les enregistrements des œuvres de Bach et de Chopin. A la première écoute j’ai senti qu‘il fallait que j’aille plus loin“. Isfar Sarabski

Isfar Sarabski

Isfar Sarabski©Peter Hönnemann

Ils ont contribué à sa culture et son esprit d’ouverture en direction du jazz, de l’opéra ou du mugham, ce genre musical traditionnel et savant de la musique azérie qui laisse une place prépondérante à l’improvisation. Il s’intéresse aussi aux chansons des artistes de sa génération tels que Jennifer Lopez, Christina Aguilera, Benny Benassi.

A l’issue de ses études au Berklee College of Music de Boston, Isfar Sarabski se présente à la Compétition de Piano Solo du 43ème Montreux Jazz Festival. Le 18 juillet 2009, il remporte le premier prix (ex æquo avec Beka Gochiashvili) et impressionne le jury par son interprétation phénoménale des compositions de Bill Evans. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’il rencontre Quincy Jones, qui, depuis, ne tarit pas d‘éloges sur ce jeune prodige. L’année suivante, il reçoit le prix d’État de Zirva.

En 2011, le pianiste forme et dirige son propre trio avec les musiciens moscovites Alexander Mashin à la batterie et Makar Novikov à la basse. Avec eux, Isfar Sarabski se produit dans de nombreux festivals et salles de concert en Amérique du Nord, à l’Apollo Theatre de New York et dans de nombreux clubs de jazz en Europe, au club Ronnie Scott de Londres, au Duc des Lombards à Paris (en 2013) et à Paris en 2015 pour l’International Day of Jazz. Après 2016 joue au sein du groupe de Dhafer Youssef et tourne avec lui sur son projet « Birds Requiem » puis « Diwan Of Beauty And Odd » en Europe et en Océanie.

Fasciné par le monde de l’électro, Isfar Sarabski se rapproche des groupes phares de la scène électronique de Bakou et son intérêt pour la musique électrique se confirme puisqu’un album électro est aussi annoncé pour l’année 2021 après la sortie de son album « Planet » (Warner) dont la sortie est attendue pour le 30 avril 2021.

Au fil des pistes de « Planet »

Déjà vu ouvre l’album sur des arpèges pseudo classiques vite teintés d’une pointe de beat rock qui évolue en un air de jazz porté par le trio cinématique auquel s’allie l’énergique Main Stream Strings Ensemble dirigé par Lev Trofimov. Sur Limping Stranger, le trio ménage une accalmie dans le tempo et la puissance de son. La contrebasse et le piano font dialoguer leurs nostalgies respectives alors que la batterie les encourage et dynamise leurs échanges.

Swan Lake est le seul titre du répertoire qui n’est pas composé par Isfar Sarabski. En effet le pianiste et le trio livrent une version interprétée librement et peu commune du Lac des Cygnes de Tchaikovsky que le pianiste et son trio interprètent en 7/8 au lieu du 4/4 habituel, et avec une fougue qui peut en surprendre, voire en déranger plus d’un.e. Avec les cordes, Prelude verse ensuite son content de larmes et pourrait prétendre s’inscrire dans la B.O. d’un film romantique.

Transit advient alors avec plus de vigueur, les cordes passent à l’arrière-plan alors que batterie et piano s’octroient l’avant-scène et font alterner césures et reprises pêchues jusqu’à l’acmé final échevelé et haut en couleurs. Entre temps, le trio s’amuse et utilise le thème comme un terrain de jeu qu’il devienne musique d’ambiance ou serve de tremplin à leurs exploits. Plus loin, un lancinant leitmotiv repris dans les graves du clavier appelle le târ (luth d’Azerbaïdjan) de Shahriyar Imanovqui transfigure The Edge en une plainte dont les accents sont portés par la puissance des cordes. Le répertoire se poursuit avec une première version du titre Planet, un long solo de sept minutes où le leader expose sans retenue tout son savoir-faire sur le clavier.

Plus tard, G-Man condense toutes les influences du leader. Le morceau débute dans un idiome qui emprunte beaucoup au classique puis, porté par la rythmique, le tempo se fait plus rock et le trio balance du gros son. Un jazz qui fait taper du pied, osciller la tête en rythme et pourrait inviter le public à taper dans ses mains. Après cela, nul n’est censé ignorer que le pianiste maîtrise tous les styles dont il se réclame et qu’il exécute dans les grandes dimensions. Un morceau qui devrait soulever l’enthousiasme des foules !

Sur Novruz revient le târ et les cordes. Après un début énergique où le Baku Strings Quartet est aussi de la partie, le trio fait alterner souplesse et véhémence, jazz et influences traditionnelles azéries. Une fort belle manière d’évoquer Novruz, cette fête de la terre, de la lumière, du renouveau de la nature, cette date du 21 mars qui célèbre le printemps, ce novruz inscrit depuis 2009 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. On imagine sans peine la liesse, les tables garnies de mets et les sauts de tous au-dessus des feux.

Une version orchestrale de Planet conclut l’opus. Dynamique et emphatique, elle emprunte ses codes à la B.O. d’un film, celui d’un pianiste venu d’Azerbaïdjan pour conquérir le jazz… ce qu’il a réussi avec brio d’ailleurs.

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« Bigre ! » & Célia Kameni… Nos Fontaines de Trevi

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La lumière… c’est la vie !

L’aventure musicale de « Bigre ! » et Célia Kaméni se poursuit avec « Nos Fontaines de Trevi » en direction de l’Italie. Le big band et la chanteuse invitent à une escapade romaine vers le soleil. On fait le plein d’énergie et on se prépare à jeter une pièce dans la fontaine. ça fonctionne… la lumière … c’est la vie !

Nos fontaines de Trevi par Bigre ! & Célia KaméniAprès L’Étoile Filante, le big band « Bigre ! » présente son nouveau single, Nos Fontaines de Trevi en amont de la sortie de son prochain opus… « Tumultes » ! Cette fois, les musiciens et la chanteuse invitent à les suivre à Rome, à les rejoindre autour de la Fontaine de Trevi.

On embarque avec eux dans cette équipée italienne. On voyage à la vitesse de la lumière vers l’eau pure de la fontaine. Nos Fontaines de Trevi, une expédition vers le sud, vers le soleil, un rêve d’amour malgré les nuages annonciateurs du pire. Et si on jetait une pièce dans l’eau claire de la fontaine pour appeler le bonheur !

Mise en place parfaite, inflexions magiques de la voix de Célia Kaméni, énergie lumineuse de « Bigre ! »… la lumière c’est le jour, c’est le chaud, c’est la vie.

La captation du titre par Burno Belleudy, Melle Dou et Thomas Stioui permet de retrouver tous les musiciens de Bigre ! et Célia Kaméni réunis pour interpréter Nos Fontaines de Trevi, sur une musique de Félicien Bouchot et des paroles de David Suissa. Un single enregistré par Stéphane Piot, mixé et masterisé par Alfonso Peña.

Avec Célia Kaméni (voix), Pierre Desassis, Julien Chignier, Thibaut Fontana, Romain Cuoq, Fred Gardette (saxophones), Vincent Labarre, Rémi Gaudillat, Thomas Le Roux, Aurelien Joly (trompettes), Jean Crozat, Loïc Bachevillier, Sylvain Thomas, Sébastien Chetail (trombones), Francis Larue (guitare), OlivierTruchot (claviers), Nicolas Frache (basse), Wendlavim Zabsonre (batterie), Jonathan Volson, Jorge Mario Vargas, Isel Rasua (percussions)

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