Pianiste et compositeur récompensé neuf fois aux Grammy Awards, Kenny Barron a collaboré avec les plus grands noms du jazz. Au sommet de son art, revient à la tête d’un quintet multigénérationnel avec « Beyond this Place » (Artwork Records/Pias). Neuf plages où swing et délicatesse se croisent avec bonheur. Un opus raffiné, irisé de grâce et d’élégance.
« Blue Xmas » par Miles Davis et Bob Dorough
« Joyeux Noël » ou « Blue Xmas », on a choisi
Plus que quatre jours avant Noël. Diffuser de la musique dite « de Noël » à cette occasion est quelquefois tentant. Bien loin des chants traditionnels, chrétiens ou païens, c’est « Blue Xmas » qui figure dans le ciel de Noël des « Latins de Jazz… & Cie ».
Ce « Blue Xmas » figure sur le 33 Tours intitulé « Facets » pressé en 1973 (49 ans déjà) par le label CBS (Columbia Broadcasting System) dans la collection « Aimez-vous le Jazz » supervisée par Henri Renaud. Le disque regroupe plusieurs titres enregistrés à New-York par Miles Davis entre 1956 et 1962 avec des orchestres dont la composition varie.
Ainsi sur le disque on peut écouter quatre titres enregistrés le 25 juin 1958 avec un onztet où l’on retrouve entre autres musiciens aux côtés de Miles Davis, l’altiste Phil Woods, le pianiste Bill Evans et le contrebassiste Paul Chambers. Du beau monde qui interprète Jitterburg Waltz, Round Midnight, Wild Man Blues et Django sur des arrangement et sous la direction de Michel Legrand.
Deux autres titres ont aussi été gravés sur « Facets » par le quintet classique de Miles Davis des années 1955/1956 avec John Coltrane au saxophone ténor, Red Garland au piano, Paul Chambers à la contrebasse et Philly Joe Jones à la batterie. Il s’agit de Sweet Sue enregistré le 09 octobre 1956 et Budo capté le 27 octobre 1955.
Un autre titre de « Facets », Jazz Suite for Brass est à porter au crédit d’un grand orchestre dirigé par Gunter Schuller avec Miles Davis au flugelhorn et JJ Johnson au trombone. C’est le même orchestre augmenté de John Lewis au piano et Dik Horowitz aux percussions qui interprète Three Little Feelings où Miles Davis joue de nouveau de la trompette. Les deux morceaux ont été enregistrés à New-York en octobre 1956.
Enfin deux autres titres figurent sur la face A de l’album, Devil May Care et Blue Xmas. Miles Davis les a enregistrés avec un sextet composé par lui-même à la trompette, Wayne Shorter au saxophone ténor, Frank Rehak au trombone, William Correa (plus connu ensuite sous le nom de Willie Bobo) aux bongos, Paul Chambers à la contrebasse, Jimmy Cobb à la batterie et Bob Dorough au chant.
Si le sextet a enregistré Blue Xmas le 21 août 1962 en même temps que Nothing like you (absent sur « facets »), c’est le 23 août que le titre Devil May Care est mis en boîte. La production du groupe s’arrêtera là. Blue Xmas fait partie de la compilation de Noël produit en 1962 par le label Columbia. Il est ensuite repris sur l’album « Facets ». Pour précision, ces derniers titres ont été enregistrés entre les sessions des 27 juillet, 13 août et 6 novembre 1962 qui figureront ensuite sur l’album « Miles Davis with The Gil Evans Orchestra ».
Pour revenir à la petite histoire de Blue Xmas, entre 1959 et 1962, Columbia demandait aux artistes jazz de son catalogue d’enregistrer des titres en lien avec Noël qui étaient ensuite compilés sous l’appellation « Jingle Bell Jazz ». C’est ainsi qu’en 1962 le trompettiste Miles est sollicité par Columbia qui lui suggère de travailler avec le chanteur Bob Dorough. Le trompettiste compose la musique et le chanteur écrit les paroles. Le résultat n’est sans doute pas conforme aux critères définis à l’époque pour une « chanson de Noël » et le titre a dû trancher parmi les airs traditionnels enregistrés par les autres musiciens contemporains de Miles Davis.
C’est pour cette non-conformité qu’on a écouté et réécouté ce titre jusqu’à ce que le sillon du disque vinyl soit presque usé. De facto, il s’agit de paroles un rien cyniques qui critiquent ce que l’on peut nommer « le mauvais esprit » de Noël. Pour se garder de trop de critiques, Dorough juxtapose d’ailleurs un sous-titre au morceau, To Whom It May Concern mis entre parenthèses. En ajoutant, « à qui de droit », Il entend ainsi que tout le monde n’est pas concerné par le texte de la chanson.
Aujourd’hui, Blue Xmas reste encore d’actualité quand il dénonce les Pères Noël de pacotille qui déambulent dans les rues, avec leurs costumes fantaisistes loués, leurs fausses barbes et leurs grands sourires qui sonnent faux. De nos jours encore les pauvres errent dans les rues pendant que d’autres courent pour remplir faire leurs emplettes et remplir les chaussures. Dorough dénonce le faux semblant de générosité des gourmands qui donnent quelques sous aux nécessiteux, aux enfants et aux sans-abri. Il jette un regard critique sur les « zillions » de cartes de Noël. A l’époque il n’y avait pas les sms et les réseaux sociaux qui démultiplient le phénomène.
Bref, même si le titre n’a pas vraiment enchanté Miles Davis qui a eu un regard assez critique sur ses enregistrements réalisés avec Bob Dorough, on écoute malgré tout Blue Xmas avec plaisir.
Et pour finir on reprend avec Bob Dorough…
Blue Christmas, that’s the way you see it when you’re feeling blue
Blue Xmas, when you’re blue at Christmastime
You see right through,
All the waste, all the sham, all the haste
And plain old bad tasteSidewalk Santy Clauses are much, much, much too thin
They’re wearing fancy rented costumes, false beards, and big fat phony grins
And nearly everybody’s standing round holding out their empty hand or tin cup
Gimme gimme gimme gimme, gimme gimme gimme
Fill my stocking up
All the way up
It’s a time when the greedy give a dime to the needyBlue Christmas, all the paper, tinsel and the fal-de-ral
Blue Xmas, people trading gifts that matter not at all
What I call
Fal-de-ral
Bitter gall . . . Fal-de-ral.Lots of hungry, homeless children in your own backyards
While you’re very, very busy addressing
Twenty zillion Christmas cards
Now, Yuletide is the season to receive and oh, to give and ahh, to share
But all you December do-gooders rush around and rant and rave and loudly blare
Merry Christmas
I hope yours is a bright one, but for me it’s blue…
Ouvrages consultés : - Miles Davis, L'autobiographie, Miles Davis avec Quincy Troupe, Presses de la Renaissance; 1989, 354 p, page 223 - Miles Davis, Ian Carr, Editions Parenthèses, Colection Epistrophy, 1991, 328p, p158
Kenny Barron revient avec « Beyond this Place »
Saison 2024/25 – Auditorium-Orchestre National de Lyon
En 2025, l’Auditorium de Lyon a 50 ans et pour fêter cet anniversaire, l’institution annonce une programmation 2024/2025 alléchante, avec pas moins de 170 concerts. Du côté du Jazz et des Musiques actuelles se profilent d’intenses moments musicaux avec Bernard Lavilliers, Thibault Cauvin & -M-, Crosscurrents Trio, Souad Massi, Dominique A, Bethmann/Legnini/Trotignon/Bojan Z, Brad Mehldau, Samara Joy, Anouar Brahem Quartet. De quoi réjouir le public !
Jazz Campus en Clunisois 2024 – La Programmation
En Bourgogne du Sud, du 17 au 24 août 2024, le festival « Jazz Campus en Clunisois » donne rendez-vous à un large public pour vivre au rythme du jazz et des musiques improvisées. Fidèle aux valeurs de ses origines, le festival demeure toujours aussi vivace et ancré dans ses racines. Dans des lieux patrimoniaux de Cluny et du Clunisois, il propose un large panorama de la diversité d’expressions que recouvre le mot jazz aujourd’hui, cette musique ouverte, généreuse, libre et créative. En perspective, de nombreuses émotions à partager dans la bonne humeur.

C’est en toute simplicité et vêtues de noir que les jumelles Caronni présentent leur duo et leur répertoire. Elles ont le souci de caractériser les influences de leur musique et donnent des repères au public d’Ambronay toujours curieux de découvrir les artistes présentés sous le Chapiteau. Parmi les treize titres inscrits au répertoire proposé, huit appartiennent à leur album « Navega Mundos » (Les Grands Fleuves/L’Autre Distribution) sorti en novembre 2015.
En effet, après une introduction instrumentale sensible elles s’évadent du cadre traditionnel du tango. Le murmure de la clarinette s’enroule autour de la mélodie nostalgique que chantent les cordes du violoncelle mais la passion reste sous-jacente.
C’est
dans un bar bondé que les musiciennes sont accueillies pour l’After. Après leur généreuse prestation, elles jouent le jeu et offrent un second concert qu’elles animent avec patience et pédagogie. Elles se présentent et n’hésitent pas à donner des précisions très éclairantes concernant leurs trajectoires personnelles et les musiques qu’elles interprètent. On découvre la chacarera, rythme argentin inspiré de l’époque de la colonisation et typique de leur région d’origine, vers Rosario dans la campagne du nord-est de l’Argentine. C’est ensuite l’histoire d’un homme qui parcourt la pampa et dont la seule compagnie est celle d’un essieu grinçant, … en quelque sorte une rencontre musicale entre Jean-Sébastien (Bach !) et
Centrée sur un jazz en mouvement, la programmation de Didier Levallet a fait se côtoyer des musiciens de renommée internationale et de nouveaux venus inventifs. Du 13 au 20 août, lors du festival Jazz Campus en Clunisois, un jazz ouvert et inventif s’est exprimé sur les différentes scènes du festival et a proposé un très large éventail d’expressions et d’orchestres (du big-bang au duo).
Marc Ducret associé au trio « Métatonal ». Virtuose de la guitare, Marc Ducret est associé depuis vingt ans avec le batteur Eric Echampard et le contrebassiste Bruno Chevillon. Avec eux il pratique un jazz créatif et sans cesse renouvelé. « Métatonal » regroupe le saxophoniste alto Christophe Monniot, le trompettiste Fabrice Martinez et le tromboniste Samuel Blaser.
Fabrice Martinez jaillissent de lumineux chorus. Christophe Monniot construit avec puissance et précision des improvisations qui sont de réels moments de grâce. La frappe orageuse d’Eric Echampard se transforme en un toucher coloriste aux dégradés raffinés lorsque ses balais caressent les cymbales. Bruno Chevillon chemine de bout en bout avec précision et justesse, attentif et réactif aux climats.
. Le plaisir que prennent les musiciens à jouer exsude de leurs instruments et transparait sur leurs visages.
En fin de concert, Marc Ducret dédie le morceau 64 au saxophoniste Guillaume Orti présent dans la salle (il anime les ateliers d’orchestre des stages). Le thème rend hommage à Bob Dylan, celui qui a déclenché chez Ducret l’envie de jouer. 64 reprend deux titres de Dylan, The Time they are a changin’ et Wigwam reliés par une courte boucle musicale écrite par Ducret. Entre guitare et harmonica, Marc Ducret fait monter la pression avec souplesse et puissance. Félin et reptilien à la fois, le guitariste déroule l’étendue de son savoir-faire et fait montre d’un plaisir extrême à partager ce concert avec ses comparses.
Le 19 août, un pique-nique est proposé à midi dans la cour du haras national de Cluny. En guise de menu musical, un concert du « Possible(S) Quartet ». Assis dans l’herbe, le public a répondu présent pour écouter les quatre musiciens installés sous l’ombre bienveillante des branches d’un majestueux tilleul centenaire.
Deux trompettistes, Rémi Gaudillat et Fred Roudet, un tromboniste Loïc Bachevillier et un clarinettiste, Laurent Vichard réunis pour livrer un jazz de tous les possible(S).
Le soir du 19 août, le Théâtre les Arts de Cluny accueille le « Brotherhood Heritage » qui rend hommage à l’esprit de la musique du « Brotherhood of Breath » (Confrérie du Souffle), big-band issu d’un orchestre Sud-Africain réfugié en Europe pour cause d’apartheid dans les années soixante. Ce « Brotherhood of Breath » a influencé la scène européenne du jazz sous la houlette de Chris McGregor jusque dans les années 90. Le contrebassiste Didier Levallet a fait partie des dernières moutures de cet orchestre historique. Il co-pilote avec le pianiste François Raulin le projet du « Brotherhood Heritage » qui reprend en partie le répertoire de l’orchestre d’origine et mêle des compositions originales écrites dans le même esprit, comme Hymne to Breath, de François Raulin.
. Comme le dit François Raulin tous ces musiciens ont en commun la « capacité de s’exprimer en trois accord et de groover ». On retrouve le saxophoniste et clarinettiste anglais Chris Biscoe qui a lui aussi fait partie des dernières moutures du « Brotherhood of Breath ». Raphaël Imbert (saxophone), François Corneloup (saxophone baryton), Michel Marre et Alain Vankenhove (trompette), Simon Goubert (batterie), Jean-Louis Pommier et Mathias Mahler (trombone). Le spectacle a été créé à Jazz sous les Pommiers où il a reçu un accueil enthousiaste.
Les instrumentistes saisissent tous les espaces de liberté et les mettent à profit pour s’exprimer. La masse sonore rutile. L’orchestre propose une musique ensoleillée et chaleureuse, une sorte de musique du bonheur profondément enracinée dans les rythmes africains. Les corps des musiciens sont habités de cette joie et les visages irradient de lumière. La texture sonore change de couleur au gré des improvisations et des orchestrations. Des arrangements aux échos ellingtonniens succèdent aux extravagances des solistes qui rivalisent de créativité et de fantaisie.
Originaire
de Rio de Janeiro, le
Ainsi, né en France du hasard de leur rencontre et de leur culture respective, le Duo Desiderio-Oliveira murit un projet musical dont l’album « Rencontre »… « encontro » est le résultat.
Le Duo Desiderio-Oliveira a gagné aussi sur ce tableau de la musique live. En effet, chaque set de la soirée du 16 août au Péristyle apporte sa part de surprises et se teinte d’une couleur différente. Les climats se suivent et les textures ne se ressemblent pas. Un set pugnace et tendu précède un autre plus introverti et ciselé. Pour finir, l’ambiance se fait plus ludique et la prise de confiance aidant, l’espace de liberté augmente et les improvisations s’étoffent avec réussite. De bout en bout la musique vibre de sincérité et de complicité, de précision et de folie à la fois, de maîtrise et de d’imagination. Les regards des deux musiciens ne se quittent pas, les sourires irradient leur visage, leur attention demeure de bout en bout. La salle du Péristyle témoigne d’une écoute attentive et d’une réactivité extrême. Toutes les chaises sont tournées vers la scène.

Avec délice on découvre la saudade sautillante et bleue de Tereza no blues. Sur Aline si belle, les deux musiciens se partagent le piano pour interpréter ce titre qui est un lando, rythme afro-péruvien pour lequel le percussionniste utilise coquillages et bois du piano pour remplacer le cajon.
ê qui évoque un lieu imaginaire, véritable paradis où coule le miel et les fruits à foison. « Moog » et triangle y font monter la tension musicale qui éclate en un feu d’artifice. La suave comptine Linda Flor de Manhã est interprétée en hommage à la fille d’un ami pour laquelle elle a été composée. Les musiciens ont aussi fait un clin d’oeil à Antonio Carlos Jobim à deux reprises. D’abord, Samba da Una Nota So prise sur un rythme rapide et se termine par un 4/4 piano-batterie. Ensuite,
Durant trois jours le Péristyle assume vraiment sa vocation de salle de concert pour le plus grand plaisir de tous les spectateurs. Manu Vallognes (basse électrique), Eric Teruel (piano) et Yvan Oukrid (batterie) tissent une musique nuancée qui enchante et respire. On perçoit la complicité qui circule entre les musiciens du « Jazz Trio ». La joie du partage illumine leurs échanges et les densifient. C’est avec une énergie mâtinée de souplesse et de sensibilité que les trois compères proposent un répertoire de compositions originales d’Eric Teruel et de standards revisités avec talent.
Il surfe avec aisance sur le tapis déroulé par la basse et la batterie. Tout cela sans jamais se départir de son sourire.
A l’occasion des concerts du Péristyle on apprend qu’un disque du « Jazz Trio » est annoncé pour la rentrée. « Mad train » (Label TroisFoisplusMusic). Les spectateurs en profitent en avant première. L’album sera disponible mi-octobre mais il est possible de le commander sur http://www.tfpm.org/madtrain.html.