Clin d’œil à Edouard Ferlet & « altérité »

Clin d’œil à Edouard Ferlet & « altérité »

Album sans partition et sans montage

Après les avoir invités en 2017 à l’occasion de la sortie de son album « Think Back Op. 2 », le pianiste Edouard Ferlet retrouve Naissam Jalal, Sonny Troupé et Guillaume Latil pour travailler autour de l’improvisation idiomatique. Après deux résidences, ces quatre artistes issus de galaxies aux esthétiques différentes apprennent à se connaître. L’album « altérité » résulte de leur collaboration et donne à écouter une musique singulière, sans partition et sans montage. Une musique qui captive l’oreille.

couverture de l'album altérité avec Edouard ferlet, Naissam Jalal, Sonny Troupé et Guillaume LatilLe 13 mai 2017, à l’occasion du concert de sortie de son album « Think Back Op. 2 », le pianiste Edouard Ferlet invite trois personnalités musicales issues d’univers musicaux différents, la flûtiste Naïssam Jalal, le percussionniste Sonny Troupé, et le violoncelliste Guillaume Latil.

Affranchis de tout a priori, les quatre artistes s’écoutent et font plus que dialoguer. En effet, sur « altérité » ils unissent leurs expressions pour élaborer une musique qui, comme par magie, se compose par elle-même dans l’instant, au fil de leurs dialogues complices.

Enregistré à huis-clos, sans partition et sans montage, l’album « altérité » (Melisse/Outhere Distribution) sorti le 25 octobre 2019 résulte d’un travail mené dans une dynamique d’improvisation idiomatique qu’ont pratiquée durant trois jours Edouard Ferlet, Naissam Jalal, Sonny Troupé et Guillaume Latil.

Les musiciens

  •  A travers « Think Bach » (2011) et « Think Bach Op.2 » (2017), Edouard Ferlet en solo donne à percevoir la facette introspective et passionnée que lui inspire la musique de Bach. Le piano de Ferlet et le clavecin de Violaine Cochard ont exploré en duo l’univers de Bach sur « Bach Plucked-unplucked » (2015) puis celui de la danse à travers le temps et les pays sur « Plucked’N Dance » (2018). Au sein du trio Aïres qui réunit Airelle Besson, Edouard Ferlet et Stephane Kerecki, le pianiste produit sur « Aïres » (2017) un jazz chambriste élégant et raffiné. Edouard Ferlet fait aussi partie depuis sa création du trio de Jean-Philippe Viret avec lequel il chemine depuis vingt ans.
    Edouard Ferlet, Naissam Jalal, Sonny Troupé, Guillaume Latil©Grégoire Alexandre Latil

    Edouard Ferlet, Naissam Jalal, Sonny Troupé, Guillaume Latil©Grégoire Alexandre

  • Récemment récompensée en 2019 d’une Victoire du Jazz dans la catégorie « Album inclassable » pour le splendide « Quest of the Invisible », la flutiste franco-syrienne Naïssam Jalal (flûte, voix) mène aussi d’autres projets. Parmi ceux-là figure le groupe « Rhythms of Resistance » avec lequel elle a gravé deux disques, en mars 2015 “Osloob Hayati” et en novembre 2016 « Almot Wala Almazala ».
  • Le batteur et percussionniste guadeloupéen Sony Troupé (batterie, tambour ka), fait quant à lui partie de cette nouvelle scène jazz dynamique et créative venue des Antilles. Son univers gravite aux frontières du jazz et de la musique créole. Outre des collaborations avec le saxophoniste Jacques Schwarz-Bart, la chanteuse et le pianiste Grégory Privat, il a sorti en avril 2017, l’album « Reflets denses » dont la musique chaleureuse se situe loin des formats standards que l’on peut, sans le trahir, qualifier de caraib’jazz.
  • Le violoncelliste Guillaume Latil (violoncelle, voix) s’investit dans des projets musicaux tous horizons, du jazz aux musiques traditionnelles. On a pu l’écouter avec Cuareim Quartet » un quartet à cordes avec lequel il enregistré deux albums avec le quartet d’André Manoukian Directeur artistique du nouveau disque  » Contrebande » de la violoniste Fiona Monbet sorti en 2018. Il accompagne aussi sur scène et en studio la chanteuse Lou Tavano.

Improvisation idiomatique et altérité

La terminologie « improvisation idiomatique » qualifie la production sonore émanant de musiciens qui partagent les même codes, en l’occurrence ici, ceux du jazz. Elle respecte et utilise donc le vocabulaire mélodique du jazz, ses phrasés, ses rythmiques et harmoniques en usage. Ainsi, à partir de gestes pratiqués sur le(s) instrument(s) techniquement maîtrisés, les musiciens engagés dans l’improvisation idiomatique traduisent leur pensée en produisant des sons. Ces derniers façonnent leur expression personnelle laquelle incarne leur identité propre.

Certes l’improvisation idiomatique ne requiert pas de répétition mais nécessite un minimum de préparation. Par ailleurs elle est pratiquée par des musiciens qui manifestent une grande ouverture vis à vis de l’inconnu et vis à vis du jeu des autres. Ainsi, le concept d’altérité prend tout à fait son sens dans  cette pratique musicale.

« altérité »

Sur l’album « altérité », Edouard ferlet, Naissam Jalal, Sonny Troupé et Guillaume Latil inscrivent leur pratique dans le cadre l’improvisation idiomatique. Le titre de l’opus résonne tout à fait avec cette ouverture et cette écoute inconditionnelle dont les quatre artistes ont fait preuve d’un bout à l’autre de l’enregistrement.

Sans a priori mais en référence aux codes du jazz qui conditionnent la pratique de l’improvisation idiomatique, les quatre musiciens ont joué, se sont écoutés. Affranchis des conventions qui président (pour chacun.e) à leur habituelle expression, ils se sont laissé guider dans leur introspection par leur intuition et leur inspiration. Ils ont laissé tourner les bandes qui ont enregistré leur production sonore. Ils ont ensuite conservé les moments les plus explicites de leurs échanges dont témoignent les treize plages de l’album « altérité.

L’enregistrement a capturé les silences qui émaillent les improvisations. Il restitue l’entente et les hésitations qui jalonnent les morceaux. A l’écoute de l’album « altérité » on perçoit presque les regards étonnés des musiciens, leurs sourires émerveillés, leur attention mutuelle, les pieds qui battent et les têtes qui se balancent en rythme. Une grande liberté d’expression caractérise les échanges musicaux de ces quatre personnalités singulières que sont Edouard Ferlet, Naissam Jalal, Sonny Troupé et Guillaume Latil.

Impressions musicales

Evoquer des impressions procède du processus subjectif de l’écoute à laquelle participent la sensibilité et les références culturelles de l’auditeur.trice. Certains morceaux déclenchent plus d’adhésion et d’implication, comme si l’oreille devenait partie prenante de l’improvisation.

La psalmodie envoûtante de Parabole projetée sur une trame au motif oriental ouvre l’album alors que le pulsatile Clone le termine avec un climat groovy. Telle une complainte, Allégorie plonge dans un climat de recueillement et de prière alors que le plus tonique Procession évoque une cérémonie musicale profane.

La flûte et le piano au jeu évanescent contribuent à créer un moment de détente sur Ligne de main qui résonne tel un songe musical. Sur Identité, le violoncelle solo dessine une ligne musicale aux inflexions médiévales. Plus loin, ce même violoncelle converse avec la flûte diaphane sur Convergence alors que sur Ascendant il entonne une complainte lyrico-romantique soutenu par les accords mélancoliques du piano.

L’étrange Enigma procure de belles émotions déclenchées par les frappes sur les cordes du piano, les caresses sur celles du violoncelle, les larmes que pleurent les percussions et les arabesques flottantes de la flûte. Tel un conte céleste évanescent, Anonyme résulte quant à lui de la superbe alchimie sonore qui s’opère entre les notes cristallines du piano, les pleurs de la flûte et la litanie de l’archet sur le violoncelle.

Ailleurs, les instruments se laissent entraîner dans la ronde sautillante et percussive du titre Intégrité tandis que Récit semble découler d’une quête spirituelle.

Profondément évocateur de sensations, Abîme procure une impression de vertige schizophrénique à laquelle contribuent la voix plaintive, le piano percussif, la frappe découpée des baguettes sur tous les éléments de la batterie, les cordes pincées et les sonorités discordantes du violoncelle. Pourtant, après une chute spiralée vers un monde sous-terrain dont on ne perçoit pas le fond, on remonte enfin à la surface quand s’élève le chant lumineux.

Issu de la réunion de quatre personnalités musicales évoluant dans des univers aux contours fort différents, l’album « Altérite » ne laisse pas indifférentes les oreilles qui l’écoutent sans a priori. Autour du pianiste Edouard Ferlet, la flûtite Naïssam Jalal, le batteur Sonny Troupé et le violoncelliste Guillaume Latil célèbrent un hymne à l’altérité.

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