A Vaulx Jazz-Combat Jazz-Naissam Jalal-Marc Ribot

A Vaulx Jazz-Combat Jazz-Naissam Jalal-Marc Ribot

Naissam Jalal-Marc Ribot, le jazz résiste et combat

A Vaulx Jazz intitule la soirée du 17 mars, « Combat Jazz ». Sur scène, deux groupes. La flûtiste Naïssam Jalal & Rythms of Resistance. Le guitariste Marc Ribot & Ceramic Dog. Une ode à la résistance et un manifeste véhément contre les oppressions. Le jazz, musique toujours d’actualité pour porter les combats.

« Soirée Combat Jazz ». L’accroche est bonne dans le monde actuel en convulsion où plus rien n’est acquis. De tout temps l’art s’est mobilisé pour combattre. Le jazz a déjà été le fer de lance de la minorité afro-américaine contre les discriminations. Aujourd’hui encore le jazz persiste et signe. Dans cette soirée du 17 mars 2017 il devient instrument de lutte et tente de mobiliser contre l’indifférence, sensibiliser aux injustices, mettre en garde et engager au combat. En effet, A Vaulx Jazz donne la parole à deux musiciens issus de cultures différentes. Naissam Jalal-Marc Ribot. Deux musiques quasiment aux antipodes.

Acquis par avance au discours du légendaire guitariste Marc Ribot, le public découvre avec intérêt le talent de la flutiste, compositrice Naïssam Jalal accompagnée de son groupe « Rythms of Resistance ».

La soirée ouvre avec Naïssam Jalal and Rythms of Resistance, le quintet de la franco-syrienne Naïssam Jalal, compositrice, flûtiste et joueuse de ney (flûte oblique à embouchure terminale en roseau). Très concentrée la jeune-femme présente son projet dont le nom, « Almot Wala Almazala« , « la mort plutôt que l’humiliation » campe d’emblée le sens du combat. Celui que le peuple syrien a engagé contre le pouvoir en place « pour vivre libre et digne dans son pays ». Naïssam Jalal offre sa musique en hommage aux martyrs de ce grand peuple.

On a déjà loué lors de sa sortie le 10 novembre 2016, la musique de « Almot Wala Almazala« , le dernier album de la flutiste Naïssam Jalal and Rythms of Resistance. La découverte du projet en concert confirme l’écoute du disque. Loin des cadres traditionnels formatés des musiques orientalisantes, les compositions de la jeune flûtiste sont servies par des interprètes virtuoses qui se jouent des modes orientaux pour construire une musique porteuse de révolte et d’espoir. La mise en place est parfaite. La rythmique soutient l’expression remarquable des solistes.

Totalement investie dans sa musique Naïssam Jalal fait preuve sur la flûte traversière d’une virtuosité dans pareille. Ses improvisations impressionnent. Elle maîtrise parfaitement le vocabulaire modal et aussi la pratique du jouer-chanter sur la flûte. Les cris ou les plaintes de sa voix doublent ses envolées furieuses ou ses mélopées éthérées. Elle embouche le ney pour un solo empreint de tristesse qu’elle élève contre les violences policières.

Le charismatique saxophoniste franco-marocain Mehdi Chaïb assure une prestation excellente. Sonorités stridentes et exacerbées, tout en retenue ou au contraire totalement extraverties. Il apporte un soutien rythmique efficace au chant de la flûte dont il magnifie les expressions et, au derbouka, il échange avec la section rythmique à plusieurs occasions.

Composée du contrebassiste Zacharie Abraham et du batteur italien Francesco Pastacaldi, la solide section rythmique assure un soutien sans faille à l’expression très libre des solistes. En osmose avec les propos de la flûtiste, le guitariste et violoncelliste allemand Karsten Hochapfelt tisse des climats singuliers. L’archet de son violoncelle double souvent celui de la contrebasse pour créer une ligne de basse continue lancinante et grave. On a apprécié le climat disruptif et ludique du morceau Où est passé le bouton pause de mon cerveau ? qui permet au guitariste de partir librement en impro.

La musique de Naïssam Jalal a gagné son combat. Des compositions aux arrangements somptueux se dégage une musicolère combative et ondoyante. A travers elle on entend le combat du peuple, les cris de révolte qui s’élèvent mais l’espoir advient et pour finir l’amour triomphe au-delà des frontières.

Le second set revient à Marc Ribot et son projet Ceramic Dog. A ses côtés, Shahzad Ismally à la guitare, basse, percussions et Moog et le batteur Ches Smith. Si le nombre de musiciens diminue, l’intensité sonore augmente. L’ambiance se profile comme enragée voire nucléaire. Le guitariste présente un brûlot enflammé contre le capitalisme et le consumérisme crié sur une musique libérée de toute frontière. Une esthétique vigoureuse qui hésite entre rock post punk et jazz avant-gardiste underground.

Le groupe se présente comme un triangle à géométrie mouvante. Deux guitares, une batterie et trois voix. Une voix, une guitare, une basse et des percussions. Deux voix, deux batteries, une guitare. Le guitariste virtuose sait tout faire et ne bride à aucun moment l’expression de son orchestre qui apparaît comme une extension de lui-même. Si la musique affiche la rage et la violence, elle n’en est pas moins construite avec une précision surprenante. Le guitariste pilote la machine à musique et les morceaux se succèdent sans interruption sous sa férule attentive.

Marc Ribot n’est pas content et il le fait savoir. Il se partage entre guitare et voix pour exprimer sa rage contre la société de consommation et ses dérives dont le téléchargement illégal des musiques. Il dénonce les méfaits du capitalisme qui abandonne ses enfants et perpétue la ségrégation à tous les niveaux de la société. Sur des rythmes effrénés, les improvisations de la guitare crient la désespérance et la colère. Sa voix hurle la révolte et appelle à la résistance et au combat.

Les formes éclatent sous les coups de butoir d’un batteur, réincarnation vivante d’un Vulcain féroce mais élégant. Si le batteur hache le rythme, le bassiste fait ronfler les graves avant de se saisir du manche de la guitare pour rejoindre le leader et hurler avec lui. Il utilise ensuite le Moog pour relancer la folie jusqu’au paroxysme et s’acharne sur ses tambours pour rejoindre le batteur infatigable.

Les spectateurs adhèrent à la musique de ces trois fauteurs de trouble qui parviennent à rallier les suffrages d’un public amateur de musique enragée, convulsive mais généreuse et inventive.

La musique de Marc Ribot zigzague entre les styles qu’il se réapproprie. Il emprunte tout à la fois les atours du jazz, du rock, du punk, du blues et des musiques improvisées qu’il compacte en un format très singulier, une sorte de paroxyjazz enrocké qui tronçonne et caresse à la fois. 

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