L’esprit de Moondog plane sur le Grand Théâtre de Fourvière
Le 11 juin 2017, la soirée Moondog aux Nuits de Fourviere a tenu ses promesses au-delà de toutes les attentes. Une réussite éclatante de bout en bout. Pourtant cet hommage tenait du défi. Pari plus qu’honoré.
Ce vibrant hommage rendu à Moondog et annoncé dans un précédent article est évènementiel à plusieurs titres. Au regard de la stature du compositeur et musicien qu’était Moondog. Au vu des artistes invités. Il s’est agit de respecter l’esprit du créateur et d’emporter l’adhésion du public dont la majorité découvrait l’œuvre de Moondog.
Certains artistes de la soirée Moondog aux Nuits de Fourviere, comme Stephan Eicher (chant), Stephan Lakatos (percusion/trimba) et Dominique Ponty (piano), ont côtoyé et joué avec Moondog. D’autres ont une connaissance approfondie de sa musique, tels les musiciens de l’Ensemble Minisym dont la direction artistique est assurée par Amaury Cornut, musicien et exégète de la musique de Moondog (site spécifique consacré à Moondog, ouvrage de référence et conférences spécialisées) et la concertiste Katia Labèque (piano). Le talent des autres participants de la soirée et leur intérêt pour le projet ont aussi contribué à la qualité du spectacle, l’Orchestre de l’Opéra de Lyon avec à la Direction Stefano Montanari, le groupe Triple Sun, les saxophonistes Raphaël Imbert (sax ténor et alto) et Jean-Philippe Scali (sax baryton), le batteur Sangoma Everett (invité surprise) et les danseurs Marie-Agnès Gillot, Yaman Okur et Stéphane Deheselle.
Il convient enfin de saluer Richard Robert (conseiller artistique et assistant à la programmation musicale des Nuits de Fourvière) à l’initiative du projet. Son engagement a participé grandement à la réussite de cette soirée.
La première partie du spectacle explore la diversité de l’œuvre de Louis Thomas Hardin. Immersion progressive dans l’écriture de Moondog avec en ouverture le « Thème » interprété par l’Orchestre de l’Opéra, le « trimba » et toutes les percussions. L’esprit du compositeur surgit d’emblée. Les vingt-sept autres morceaux vont développer presque toutes les facettes de la musique de Moondog.
De courtes pièces jouées en duo Piano-Trimba par deux interprètes qui furent très proches de Moondog. Dominique Ponty visiblement très émue et concentrée sur son clavier. Le percussionniste Stefan Lakatos dont la tunique noire et la barbe blanche font écho à l’aspect de Moondog immortalisé sur les clichés. Le rythme hypnotique qu’il tient sur le trimba, percussion créée par Moondog et visible sur la photo ci-dessous, impressionne et captive. Il reprend le rôle que tenait Moondog lors des concerts où il donnait lui-même le tempo.
Le spectacle fait alterner la plupart des formes musicales explorées par Moondog aux différentes périodes de sa vie. Avec « Do your thing » interprété par Stephan Eicher, Dominique Ponty et Stefan Lakatos, c’est l’aspect « chanson » du disque « H’art songs » qui est présenté. Le piano martèle un chant et en contre-point la voix chante la liberté. Simple mais efficace, le thème s’imprime dans notre mémoire et on se prend à la chantonner en quittant le spectacle...on aurait presque attendu « I’m This, I’m That ». L’art du canon est aussi présent dans de nombreux autres morceaux repris par l’orchestre de l’Opéra. Le thème interprété par un premier instrument du grand l’orchestre est repris par un deuxième, puis un troisième jusqu’à concerner la masse orchestrale, le tout soutenu par des séquences rythmiques qui se complexifient allant presque jusqu’au déséquilibre qui n’advient jamais tant est grand le talent de tous les instrumentistes et du chef d’orchestre. Dans les « Jazz Book n° 2, 3 et 4 » c’est la dimension contrapuntique qui est mise en évidence.
La dimension symphonique de l’œuvre de Moondog est principalement restituée par l’Orchestre de l’Opéra de Lyon dirigé par Stefano Montanari avec quelques « Symphoniques ». La « Symphonique #3 - Ode to Venus » romantique à souhait, la « Symphonique #1 plus martiale, la « Symphonique #6 - Good for Goodie » plus jazzy et dédiée à Benny Goodman, la « Minisym #1 » au accents plus modernes, « Witch of Endor » à la mélodie ensorcelante. Dans tous ces morceaux la dimension rythmique demeure essentielle.
Dans l’Ensemble Mininym les instruments anciens tels la théorbe et la vielle à roue côtoient guitare, violon, violoncelle et percussions. Leurs timbres colorent les morceaux qui sonnent comme des madrigaux. Dans cette même esthétique c’est un Stephan Eicher très concentré qui chante le « Guggisberglied ». Au mi-temps de la première partie, soutenu par l’ensemble des instrumentistes de la soirée, Stephan Eicher réunit autour de lui un chœur avec Stephan Lakatos, Amaury Cornut et Richard Robert. Le chanteur présente « New Amsterdam » comme « un hymne à la paix en hommage à celui qui nous a quitté ». Un clin d’œil à New-York (anciennement nommée New Amsterdam), cette ville qui a abrité une partie de la vie musicale de Moondog. Sur le Grand Théâtre plane une émotion palpable suivie d’applaudissements nourris. L’ensemble des contributeurs musicaux de la soirée se retrouvent aussi sur « Bird Lament » écrit par Moondog à la mort de Charlie Parker (surnommé The Bird). Les parties de saxophone sont tenues de belle manière par Raphaël Imbert (sax alto) et Jean-Philippe Scali (sax baryton). Sur le public le thème fait mouche. Avant la toute fin du spectacle, Stephan Eicher vient présenter l’ensemble des artistes de la soirée sans oublier un remerciement pour Richard Robert, le « fou furieux » sans qui la soirée n’aurait pas eu lieu. La première partie de soirée se termine avec « Paris » et ses accents de French Cancan.
Avec la seconde partie le contraste est total. Ambiance rock, volume exacerbé et jeux de lumière pour la musique de Moondog qui prend des couleurs encore plus actuelles.
Quatre musiciens sur scène. Katia Labèque au piano accompagnée par « Triple Sun » avec David Chalmin à la guitare électrique, Raphaël Séguinier aux percussions et Massimo Pupillo à la basse. Les mélodies de Moondog et les séquences percussives tournent en boucle. L’esthétique de la musique change et le résultat est hypnotique et envoûtant. Les danseurs apportent une dimension magique supplémentaire à la musique qu’ils habitent. Leurs mouvements tout en fluidité contrastent avec la puissance de la musique Telle une libellule désarticulée, la silhouette de Stéphane Deheselle se meut avec légèreté sur « Lullaby ». Sur « Bird Lament », Yaman Okur épouse la musique et glisse littéralement et pratique au ralenti des figures de break dance et de popping. La guitare pleure. A couper le souffle ! « Elf Danse » est lui aussi transfiguré. La chorégraphie proposée par Marie-Agnès Gillot et Stéphane Deheselle fascine. Les deux danseurs se fondent pour ne faire qu’un corps avec bras et mains de l’un et les pieds et jambes de l’autre qu se meuvent de concert. A n’en pas croire ses yeux ! Les quatre musiciens explosent ensuite le thème « Bumbo » transcendé par l’électricité portée à son paroxysme. Une rythmique énervée exaspère la mélodie jusqu’à la rendre incandescente. « New Amsterdam » met en scène Marie-Agnès Gillot et Stéphane Deheselle reliés par deux manches qui s’étirent et les relient l’un à l’autre. La femme-araignée capturée sort de scène tirée sur le dos de l’homme-araignée. Les échos de la musique s’engluent dans les lumières de la scène. On est captivé.
A la fin du spectacle, les applaudissements explosent et demandent un rappel où les danseurs se jouent des coussins lancés sur scène suite au rituel « lancer de coussin » qui devient un peu exaspérant même s’il traduit l’enthousiasme des spectateurs.
Une soirée bigrement réussie qui fera date dans les Nuits de Fourvière. Un évènement unique dont la singularité est sublimée par le talent de tous les interprètes.
Un grand merci à Paul Bourdrel pour les photos qui illustrent cet article.
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