Bain de jouvence régénérant
La venue du pianiste René Urtreger à Lyon pour deux concerts au Bémol 5 constitue un évènement majeur en cette rentrée. Le 29 septembre 2017 les amateurs de jazz lyonnais sont au rendez-vous et le club affiche complet. La soirée tient largement ses promesses.
Le Bémol 5 n’a pas encore fêté sa première année et pourtant Yves Dorn accueille déjà régulièrement des musiciens de renom dans son club lyonnais convivial. Comme on l’écrivait en août pour annoncer les deux concerts du pianiste René Urtreger au Bémol 5, on peut même dire de ce pianiste qu’il est, à quatre-vingt-trois ans, plus qu’un musicien renommé… une vraie légende vivante.
Pour en savoir plus sur cet artiste fascinant et adoubé par le monde du jazz, on conseille de parcourir l’article consacré à l’ouvrage « Le Roi René ». Publié en 2016, le livre est écrit par la romancière et essayiste Agnès Desarthe qui a mis son talent au service des mots confiés par René Urtreger. Pour découvrir la vie du musicien, le mieux serait encore de lire « Le Roi René ».
Lors de ses deux concerts lyonnais des 28 et 29 septembre 2017 au Bémol 5 le pianiste René Urtreger se produit devant une salle comble très vite enchantée par le talent de ce musicien. Pour l’occasion il est entouré du saxophoniste Michael Cheret, du contrebassiste Stéphane Rivero et du batteur Sangoma Everett. Le public lyonnais connait bien ces deux derniers musiciens très présents sur les scènes régionales et a pu écouter le saxophoniste ténor lors de ses prestations à Lyon et dans la région ou à Paris au Sunset lors des fameuses « Vandojam » qu’il anime avec brio.
Le premier set débute très fort avec Love for Sale de Cole Porter et Milestones de John Lewis. Concentré, l’orchestre est tout entier tourné vers le pianiste. Dès le premier morceau René Urtreger parcourt les 88 touches du piano quart queue récemment installé sur la scène du Bémol 5. Quand advient la ballade Every Time Happens To Me, la superbe improvisation du pianiste comble d’aise le public. Toujours inventif, René Urtreger se promène avec une aisance déconcertante sur le clavier et construit des phrases narratives qui s’aventurent avec bonheur dans les aigus avant de se terminer en accords.
René Urtreger fait alors un peu de pédagogie auprès du public à qui il explique la différence entre les chansons de Broadway qui constituent les standards et les thèmes écrits par les jazzmen. Non sans humour il précise que de ces matériaux « on fait ce que l’on veut » (ce qu’il va d’ailleurs prouver tout au long de la soirée) et sans s’attarder, retourne au piano pour démontrer l’étendue de son talent à public très attentif.
La première partie continue avec No Moe de Sonny Rollins, Like Someone in Love, On The Green Dolphin Street et se termine avec Blues for Alice de Charlie Parker. Le propos du pianiste restitue les influences du be-bop, en référence à Bud Powell, ce pianiste qui a nourri son inspiration.
Après une courte pause, le second set commence par un solo de René Urtreger qui interprète un thème composé en l’honneur de son épouse. Les morceaux s’enchaînent ensuite et sur scène la tension monte.
Avec générosité, le pianiste et son orchestre continuent la soirée avec un débridé Airegin où le saxophone enflamme le rythme et engage la batteur dans un solo débridé. René Urtreger continue alors avec What’s New puis enchaîne avec le très bop Scrapple From The Apple. Les musiciens joutent stimulés par les applaudissement nourris du public enthousiaste.
Encouragés par les vivats, les musiciens interprètent un surprenant et délicieux All The Things You Are sautillant et tout en finesse. Sur ce morceau les musiciens jouent avec les rythmes. Le piano pousse le saxophone dans ses retranchements mais rien n’y fait ce dernier ramène le tempo au calme avant de céder la parole à la contrebasse.
La soirée s’achemine vers sa fin mais le public en redemande et René Urtreger ne se fait pas prier. Après un souriant « on va se quitter bons amis », il s’installe au piano et interprète seul un thème composé pour Agnès Desarthe avec qui est enregistré son prochain album « Premier Rendez-Vous » (Naïve) à paraître le 20 octobre 2017. Après les mots du livre « Le Roi René », René Urtreger et Agnès Desarthe mêlent leurs expressions musicales sur « Premier Rendez-Vous » bientôt chroniqué dans la rubrique Chorus.
Les improvisations du pianiste ont réservé leur lot de surprise mais toutes se caractérisent pas une sobriété doublée de légèreté. De son doigté perlé René Urtreger développe un phrasé sautillant et plein de gaîté, ancré dans la tradition bop. Quelquefois prompt au débordement, le pianiste se ressaisit très vite pour revenir à la rigueur des grilles harmoniques et éviter de mettre ses accompagnateurs en difficulté. S’il pratique l’art de l’épure il n’en émaille pas moins son propos de citations. Doué d’un sens inouï du swing il maîtrise toutes les rythmiques.
On perçoit la complicité qui existe entre le pianiste et Michael Chéret dont le discours très concis témoigne de sa grande maîtrise du répertoire et du saxophone ténor. Inscrit dans la filiation des grands saxophonistes de l’histoire du jazz de Sonny Rollins en passant par Stan Getz ou Joe Lovano sans oublier Al Cohn, Zoot Sims … et bien d’autres encore car le saxophoniste semble s’être approprié l’ensemble des styles développés sur cet instrument.
On perçoit les regards attentifs et bienveillants qui s’échangent sur scène entre les membres de la section rythmique et le leader. Très réactifs, le contrebassiste et le batteur font preuve d’une aisance remarquable. Très sollicité, Stéphane Rivero assume de nombreux chorus et Sangoma Everett s’épanouit sur ce répertoire qu’il accompagne avec facilité. Il donne toute l’étendue de son savoir-faire sur les chorus qu’il assume avec brio. Son sourire témoigne de son plaisir visiblement partagé par ses autres compagnons.
Dans la salle quelques jeunes trentenaires assistaient à leur premier concert de jazz. Heureux soient-ils d’avoir eu René Urtreger comme parrain pour leur baptême de jazz live. C’est une chance infinie qu’ils ont visiblement appréciée. Il en est allé de même pour l’ensemble des spectateurs comblés par ce concert qui a agi sur eux comme un bain de jouvence régénérant. Un grand merci à Monsieur René Urtreger pour cette soirée inoubliable.

Jazz Campus en Clunisois 2025 – Trio ETE
Pour la cinquième et dernière soirée au Théâtre les Arts de Cluny, le superbe Jazz Campus en Clunisois 2025 invite Andy Emler à la tête de son trio ETE. Pour son nouveau projet, « There is another way », le pianiste et compositeur réunit autour de lui le contrebassiste Claude Tchamitchian et le batteur Éric Échampard. Trois complices inspirés au service d’un univers musical en expansion. Trois musiciens inspirés, une musique en expansion.

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Pour son cinquième soir sur la scène du Théâtre les Arts de Cluny, c’est un double plateau que propose Jazz Campus en Clunisois 2025. Après le concert solo de la pianiste coréenne Francesca Han, la saxophoniste Lisa Cat‐Berro, à la tête de son quintet, présente son programme « Good Days‐Bad days ». Une soirée en deux temps où le tumulte succède à l’élégance.

Jazz Campus en Clunisois 2025 – Six Migrant Pieces
Pour sa cinquième soirée au Théâtre Les Arts de Cluny, Jazz Campus en Clunisois accueille le projet de Christophe Monniot, Six Migrant Pieces. Entouré de cinq musiciens et de Sylvie Gasteau, le compositeur et saxophoniste présente une ode à l’humanité et la bienveillance. Chaque membre du groupe a une histoire personnelle inscrite dans la migration. Véritable manifeste poético-politico-musical, le programme de la soirée résonne avec l’actualité et engage au respect de la différence. Un grand moment du festival… la fièvre monte à « Cluny City » !