« Les Nébuleuses », un album qui ne manque pas de souffle
Après sa relecture en grand orchestre de l’œuvre de John Coltrane, « A Love Supreme », Christophe Dal Sasso inaugure un nouveau cycle de compositions. L’album « Les Nébuleuses » est inspiré du phénomène astronomique du même nom. De la théorie du big band à la théorie du big bang !
L’album « Les Nébuleuses » (jazz&people/Harmonia Mundi) est sorti le 23 septembre sous le label de jazz participatif français jazz&people. Il s’agit du nouveau projet du flutiste, compositeur et arrangeur Christophe Dal Sasso inspiré cette fois par le phénomène astronomique des nébuleuses. C’est le même label participatif qui avait soutenu le précédent projet de Christophe Dal Sasso et Lionel Belmondo « John Coltrane : A Love Supreme » paru en 2014. Dave Liebman avait alors apporté sa participation lors de concerts inoubliables.
Aussi diverses que les nébuleuses de l’espace, les compositions de Christophe Dal Sasso proposent des univers différents. L’écoute de l’album « Les Nébuleuses » précipite l’auditeur dans une musique singulière. Entre forme écrite et improvisation, principes sériels et jazz post-coltranien, le projet musical est ambitieux et exigeant.
Sept pièces directement inspirées des nébuleuses dont elles portent le nom et des images restituées par le télescope spatial Hubble, livrant le spectacle fascinant de ces entités extrêmement lointaines et incertaines aux géométries étonnamment régulières ou bien totalement entropiques, parfois vivement colorées par les gaz ionisés dont elles sont faites.
Pour restituer ces univers, Christophe Dal Sasso associe un trio à cordes et un quintet de jazz. Cette formation est à l’image de ces nébuleuses célestes qui restent imprévisibles dans leurs évolutions. Elles sont constamment menacées de s’effondrer sur elles-mêmes et de disparaître. Le compositeur parvient à projeter à travers sa musique ces états variables et instables qui prennent corps à travers des textures sonores mouvantes.
Constitué de Youri Bessières (violon), Martin Rodriguez (violon alto) et Jean-Philippe Feiss (violoncelle), le trio à cordes élabore une trame structurée. Sur ce tissu souple et stable vont pouvoir se nouer les interactions dynamiques du quintet de jazzmen qui réunit Christophe Dal Sasso (flûte), Pierre de Bethmann (piano, Fender Rhodes), David El-Malek (saxophones ténor et soprano), Manuel Marchès (contrebasse) et Lukmil Perez Herrera (batterie). L’écriture du composietur varie d’un titre à l’autre et restitue le caractère instable des nébuleuses aidé en cela par la force des improvisations des instrumentistes. Chaque composition constitue une œuvre en soi.
Dans l’espace musical créé par le quintet jazz et le trio à cordes oscillent les vibrations des pulsars et flotte la matière gazeuse interstellaire. Au gré des pièces, les trajectoires instrumentales s’entrecroisent ou se télescopent. Sur l’orbite régulière des cordes, les mélodies ascendantes du saxophoniste se chargent de l’énergie que dégage le pianiste. La batterie véhémente sculpte des paysages éclatés où la contrebasse libère son chant chromatique.
Avec « Nébuleuses », on se promène musicalement de La Nébuleuse d’Orion qui ouvre le disque à La nébuleuse de l’Hélice qui le termine. Chaque titre génère sa propre ambiance, son univers unique. Ainsi La Nébuleuse du Crabe résonne d’étrangeté alors que La Nébuleuse de l’Œil du Chat tournoie sur elle-même. NGC 2440 sécrète comme une aura vaporeuse censée évoquer la naine blanche située au cœur de la nébuleuse du même nom.
Les trois parties de la pièce intitulée Les piliers de la création évoquent les trois colossales colonnes de poussières interstellaires qui ont contribué à inspirer le nom de la nébuleuse. Christophe Dal Sasso utilise le système de composition par miroirs et transposition de Pierre Boulez. Chaque pièce possède un aspect rythmique spécifique. Écoute bouleversante. On s’élève dans un monde musical dépaysant.
On a aussi décollé aux vibrations du titre V838 situé au centre du répertoire de l’album et dédié au quintet de jazz. Au Fender Rhodes, Pierre de Bethmann insuffle une énergie spatiale. Propulsé par le batteur, David El-Malek décolle littéralement. On est aspiré dans un monde qui n’est pas sans rappeler le jazz électrique des années 70.
Christophe Dal Sasso n’est pas le premier à avoir été inspiré par l’univers interstellaire. En effet « Les Nébuleuses » ont une généalogie. Avant lui, la pianiste Mary Lou Williams a développé une série de compositions inspirées par les constellations du Zodiaque. On se rappelle aussi les explorations interstellaires de John Coltrane en quête d’un son cosmique. On se souvient enfin du « Jazz in the Space Age » de George Russell qui prophétisait en 1960 la généralisation de concepts chromatiques que l’on trouve à l’œuvre dans ce disque « Les Nébuleuses ».
Après avoir rêvé sur les insondables mystères de l’univers, Christophe Dal Sasso traduit sa rêverie par le biais d’une œuvre qui explore différentes formes musicales et bouleverse les repères habituels. « Les Nébuleuses » un album incontournable qui interpelle et impose sa singularité.
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