Une synthèse de l’art du contrebassiste
« Healing Songs » tient les promesses que suggère son titre… le jazz d’Henri Texier apaise, déclenche le sourire, fait rêver et espérer le meilleur. Avec ce nouveau projet, le contrebassiste et compositeur réussit la prouesse d’ajouter à son statut de musicien celui de « guérisseur » car les musiques de cet opus possèdent des vertus apaisantes. Un album sensible et tonique dont le jazz contrasté incarne une synthèse réussie de l’art du contrebassiste.
Figure historique du jazz français et européen, Henri Texier regarde en arrière et reprend neuf thèmes parmi ceux qu’il a composés au cours des soixante années de sa carrière de musicien.
Sur « Healing Songs » (Label Bleu/L’Autre Distribution), sorti le 14 novembre 2025, il revisite en quintet quelques-unes de ses anciennes compositions et projette ses musiques dans le monde actuel.
L’oreille est captivée et charmée par cet album où coexistent lyrisme et groove. Une sorte d’art-thérapie dont il serait dommage de se priver. L’on se prend même à rêver… et si cet album guérissait la société de tous les maux qui l’habitent !
Henri Texier
Né en 1945, Henri Texier découvre le jazz durant son adolescence et abandonne le piano pour la contrebasse. Dans le milieu des années 60, il fréquente les clubs parisiens. Jeune vingtenaire, il joue déjà avec de nombreux maîtres du jazz parmi lesquels Dexter Gordon, Lee Konitz, Don Cherry, Bud Powel, Kenny Clarke, Art Taylor, Art Farmer, Johnny Griffin, Donald Byrd, Kenny Drew, Chet Baker… puis avec Hampton Hawes, Jean-Luc Ponty, Daniel Humair, Michel Portal, Albert Mangerlsdorff, Peter Brötzmann, Enrico Rava, Charlie Haden…
Dans les années suivantes, Henri Texier parcourt l’Europe et joue aux États-Unis avec Phil Woods et son European Rythm Machine puis crée le groupe « Total Issue » avec le batteur Aldo Romano. Jamais prisonnier d’une esthétique ou d’un univers musical, il confronte son art à d’autres arts, le cinéma, la télévision, le théâtre, la danse, les arts plastiques, les Arts du Cirque, les lectures poétiques et la photographie.
La carrière de ce géant du jazz est jalonnée d’une très riche production discographique à laquelle il participe comme leader, co-leader, ou sideman.
Sa collaboration avec le label de jazz français Label Bleu remonte au milieu des années 1980. C’est chez label Bleu qu’est sorti le fameux triptyque « Carnet de routes » (1995), « Carnet de routes : Suite Africaine » (1999) et « African Flashback » (2005), trois albums enregistrés par le trio Louis Sclavis/Aldo Romano/Henri Texier, lesquels albums sont illustrés par les clichés de Guy le Querrec.
C’est aussi chez Label Bleu qu’ont été publiés les projets d’Henri Texier en leader, dont les récents « Sand Woman » (2018),« Chance » (2020), « Heteroklite Lockdown » (2022) et « An Indian’s Life » (2023), quatre albums auxquels participaient déjà Sébastien Texier (saxophone alto, clarinettes) et Gautier Garrigue (batterie).
« Healing Songs »
Paru le 14 novembre 2025 chez le même Label Bleu, le dernier album d’Henri Texier, « Healing Songs » a été enregistré en juin 2025 au Studio Gil Evans à Amiens, par Boris Darley et Bertrand Hardï. Il a été mixé par Boris Darley au Studio Ohm Sweet Ohm à Saint-Laurent-sur-Gorre et masterisé par Simon Lancelot au Studio Ferber, à Paris.
« Riche de soixante années de vie musicale et sensible au climat anxiogène actuel, je me suis projeté dans mes anciennes compositions susceptibles de nous faire du bien à tous (to heal) ! À moi, aux miens, à mes amis, compagnons et « compagnonnes », à toutes les personnes qui les écouteraient et plus particulièrement à celles qui me suivent et me soutiennent depuis tout ce temps, un public fidèle et passionné. Lorsque l’on entend et que l’on reçoit les vibrations de sa propre musique, on est souvent touché et ému. En réécoutant les musiques qui composent cet album, j’ai éprouvé les mêmes sentiments que lorsque je les avais imaginées des années auparavant. Elles m’ont un peu consolé et il m’a semblé nécessaire de partager ces émotions avec mes camarades musiciens et avec le public. Puissent ces musiques vous apporter de l’apaisement et un peu de « légèreté profonde », à l’instar des « Healing Songs » (chants de guérison). » Henri Texier
C’est en quintet qu’Henri Texier a enregistré son nouveau projet « Healing Songs ». En effet, sur cet opus, Emmanuel Borghi (piano, fender-rhodes) et Hermon Mehari (trompette) ont rejoint le trio constitué par Henri Texier (contrebasse), Sébastien Texier (clarinette, clarinette basse, saxophone alto) et Gautier Garrigue (batterie). Par ailleurs, le batteur Manu Katché est invité et participe à l’enregistrement de trois morceaux.
Henri Texier est l’auteur de toutes les compositions de « Healing Songs » hormis Vent Poussière, crédité à Sébastien Texier.
Au fil des titres
L’album ouvre avec Amazone blues gravé sur l’album « An Indian’s Week »(1993). Sur un rythme soutenu et à partir d’un motif obsédant du piano, les soufflants jouent à l’unisson une ligne mélodique qui n’est pas sans évoquer le climat des enregistrements Blue Note des années 50/60. Hard bop à fond ! Après une intervention inspirée du leader, Emmanuel Borghi déroule sur son clavier un solo énergique et inventif. Il passe le relais au saxophone alto de Sébastien Texier dont le propos fluide et onctueux précède l’improvisation du trompettiste Hermon Mehari. L’oreille se laisse séduire par sa sonorité solaire, son articulation et son jeu legato. Le morceau continue, soutenu par la rythmique souple et groovy qu’impulse Gautier Garrigue.
Le répertoire se poursuit avec Grêve révolte enregistré sur l’album « Remparts d’Argile » paru en 2000. Le titre permet d’apprécier la sonorité tellurique de la contrebasse du leader, l’improvisation sinueuse du clarinettiste et les notes perlées du pianiste lors de leurs improvisations. Le solo très expressif du batteur introduit celui du trompettiste dont la sonorité hésite entre éclat et éclipse. On savoure avec délice les subtilités du jeu du contrebassiste et son goût pour le chant et la mélodie.
Le titre suivant, Chebika courage, a lui aussi été gravé sur l’album « Remparts d’Argile ». Sur cette plage, Henri Texier invite Manu Katché. A partir d’une rythmique tout en souplesse, les vents exposent le thème qui tournoie de manière lancinante puis s’expriment successivement la trompette virtuose au phrasé flexible et aux notes détachées et l’alto volubile dont le phrasé souple déborde d’énergie. Le fender-rhodes du pianiste fait régner un climat funky puis les deux batteurs échangent de manière fort harmonieuse dans un style percussif qui allie finesse et puissance.
Avec Decent Revolt, le tempo ralentit. Sur ce titre gravé à l’origine en 2013 sur l’album « (V)ivre » du Strada sextet de Henri Texier, la mélodie est interprétée par la clarinette et la trompette et le propos est empreint de gravité. La musique évolue au rythme d’une procession musicale où règne une douce tristesse. Les cordes de la contrebasse font écho aux accents sensibles des baguettes. Le groupe continue avec Leïla, une autre pièce de l’album « Remparts d’Argile », créé en 1999 au festival du film d Amiens pour le film muet du même nom de Jean-Louis Bertuccelli en réalisé en 1970. Il en émerge une atmosphère nostalgique où trompette bouchée, clarinette, piano et contrebasse s’expriment avec douceur au-dessus du battement groovy et subtil de Manu Katché.
Composition de Sébastien Tixier, Vent poussière, figure aussi sur l’album « Remparts d’Argile ». Clarinette, piano et contrebasse se répondent. Les échanges évoquent une méditation aérienne où les notes circulent au-dessus des scintillements des balais sur cymbales. Une courte et sensible poésie musicale, comme une suspension du temps et de ses méfaits.
Après l’introduction bluesy de Sarajevo Blues, le phrasé ciselé du fender-rhodes ouvre la séance des improvisations. La trompette dont la sonorité irisée flirte avec la brume, laisse place aux envolées du saxophone alto qui allie lyrisme et sensibilité. Place ensuite au gros son de la contrebasse d’Henri Texier, l’occasion d’apprécier une fois de plus le talent de mélodiste et l’inventivité du leader. Le groupe se retrouve et après un court solo de batterie, le morceau se termine, mélancolique, tel qu’il avait commencé.
Avec Samba loca, l’oreille entame une excursion musicale à travers les rythmes latins. Déjà enregistré en 2011 par Henri Texier sur son album « Canto Negro », ce titre est le plus court de l’album. La mélodie est exposée à l’unisson par les soufflants qui conversent ensuite avec furie. Sur son clavier, le pianiste se fait percussif et induit une tension qui inspire les deux batteurs dont les jeux complémentaires et inspirés alimentent une folle batucada.
Quand tout s’arrête marque le terminus du voyage musical. Enregistré en 2018 par Henri Texier sur l’album « Sand Woman », ce blues sonne comme une réflexion autour du temps qui passe. La trompette lumineuse se questionne, clarinette et fender lui répondent et sur le manche de sa contrebasse, Henri Texier fait sonner des notes nostalgiques en guise d’au revoir… mais on est tenté de reprendre la route et de relancer les « Healing Songs » sur la platine.
Rendez-vous le 28 janvier 2026 à 20h30, au New Morning, à Paris pour retrouver Henri Texier qui présente son nouveau projet « Healing Songs » en quintet avec Sébastien Texier, Hermon Mehari, Emmanuel Borghi et Gautier Garrigue.
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