Ron Carter - Avishai Cohen
Deux contrebassistes sont à l’affiche du Théâtre Antique pour la soirée du 05 juillet 2018 de « Jazz à Vienne ». Ron Carter et Avishai Cohen. Deux générations. Deux Styles. Du jazz à la pop.. le contraste entre les deux sets est saisissant.
Echo#4-Jazz à Vienne 2018 se souvient de la soirée du 05 juillet 2018 dont l’affiche réunit deux contrebassistes, Ron Carter et Avishai Cohen.
Deux générations, deux styles. Le premier fait partie des légendes du jazz. Sa maîtrise et son élégance font référence. Le second représente un des figures de proue d’un jazz ouvert aux influences ethniques, soul, pop, rock, etc…
Ron Carter… acoustique et jazz
Que le contrebassiste Ron Carter soit considéré comme une figure légendaire de la contrebasse et du jazz est un fait avéré et irréfutable. Des années 60 jusqu’à aujourd’hui, il a côtoyé les plus grands (Monk, Chet Baker, Miles Davis) et a tracé son sillon dans l’histoire du jazz.
Pourtant incarner une figure légendaire comporte un risque, celui de camper dans cette posture sans ouverture évolutive. Après la soirée du 05 juillet 2018 au Théâtre Antique de Vienne, on aura compris que Monsieur Ron Carter assume certes ce statut mais n’oublie pas de proposer une musique d’une richesse et d’une modernité vibrante. Octogénaire et toujours actuel.
Depuis les années 2000 Ron Carter a fait le choix du trio contrebasse-piano-guitare. C’est à la tête du Golden Striker Trio qu’il se présente en ouverture de la soirée du 05 juillet 2018 de Jazz à Vienne, avec à ses côtés, le guitariste Russel L. Malone et le pianiste Donald Vega.
Un climat d’écoute mutuelle et d’extrême attention règne entre les trois musiciens. Le répertoire met tour à tour en valeur les talents des interprètes. Au centre du trio, le contrebassiste ponctue de chorus subtils et élégants les interventions de ses compagnons et arbitre leurs échanges de son sourire bienveillant. Le swing souple et élastique de la guitare alterne avec l’attache franche, le toucher précis et délié, rigoureux et délicat du piano.
Précise mais jamais précieuse, la musique soignée se déploie avec légèreté et fluidité. La richesse du climat harmonique permet aux solistes de transformer les thèmes et de les projeter loin des versions classiques. Les ambiances crépusculaires et évanescentes n’oublient pas d’enchevêtrer les tempi, de la tendre ballade au swing de haut vol avec un zeste de rythmiques latines. Les mélodies hissent leurs voiles qui se déploient avec inventivité. La musicalité ne se dément pas du début à la fin du set.
Visiblement sous le charme du Golden Striker Trio de Ron Carter, le public fait une ovation enthousiaste aux artistes et échangent des commentaires qui disent leur plaisir d’avoir pu se ressourcer aux fondamentaux d’un jazz qui s’il demeure classique n’en est pas moins encore très actuel et stimulant.
Avishai Cohen… électrique et pop
Avishai Cohen n’en est pas à sa première venue dans le Théâtre Antique. Le public qui l’a découvert au sein du sextet acoustique « Origin » de Chick Corea a suivi avec intérêt son évolution musicale.
Virtuose brillant et fin mélodiste, il a développé sur sa contrebasse un jeu très physique mettant sa technique au service d’une vélocité sans pareille. Sans œillères il a ouvert son jazz à différences influences, celles de ses ancêtres mais aussi la soul, le rock, la pop. S’il n’a pas délaissé sa contrebasse, il a invité sur scène et dans ses albums la basse électrique et les claviers et octroyé de plus en plus de place au chant.
Sur son dernier album « 1970 » (année de sa naissance), le contrebassiste quarantenaire affiche une volonté explicite d’élargir encore son spectre musical en se tournant délibérément vers la pop. Le concert du 05 juillet à Vienne le voit donc se produire dans cette dynamique à la tête d’un quintet électrique.
Manifestement Avishai Cohen prend grand plaisir à naviguer de la contrebasse, avec ou sans archet, à la basse électrique sans oublier des détours du côté de son clavier Roland. Du début à la fin du set il chante et croise la voix avec celle de Karen Malka (chant) et des autres protagonistes. Le répertoire restitue quelques titres de l’album auxquels s’ajoutent de nouveaux morceaux.
Les ambiances dérivent entre pop, funk et variété. Derrière ses claviers Shai Bachar gratifie le public de quelques interventions toniques et inspirées mais ne parvient pas à stimuler en ce sens la guitare ni la batterie qui manifeste pourtant une tentative de solo dont on aurait souhaité plus d’inventivité et de pulsion.
On oubliera vite l’affligeant Song of Hope qui malaxe la même phrase et le même riff de bout en bout ainsi que l’intervention du guitariste venu chanter en français et déambuler aux côtés du leader à la basse sur le devant de la scène qu’il arpente en vain sans déclencher l’enthousiasme du public.
Du début à la fin de la soirée, Avishai Cohen a vraiment pris ses distances avec le jazz. Ses précédentes prestations scéniques à Vienne et ailleurs avaient habitué le public à de savantes alchimies musicales toutes très convaincantes. On se rappelle le Théâtre Antique bondé et un public en délire qui l’acclamait. Ce 05 juillet 2018, les gradins ne font pas le plein même si les spectateurs encore présents à la fin du set l’applaudissent. On attend de le retrouver après sa prochaine mutation musicale.
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