« Brazza Cry » par le quartet de Michel Fernandez

« Brazza Cry » par le quartet de Michel Fernandez

Escales mémorielles et transe spirituelle

« Brazza Cry », résonne de la musique du nouveau quartet de Michel Fernandez. Le dernier album du saxophoniste témoigne de son attachement à ses racines musicales ancrées dans les années 60/70. Un pamphlet musical brûlant d’énergie où lamentation et allégresse se côtoient pour le meilleur.

En intitulant son l’album « Brazza Cry », le saxophoniste Michel Fernandez annonce très clairement la couleur. Un clin d’œil à la musique congolaise et plus généralement aux musiques africaines dont l’Afrobeat de Fela. L’opus s’inscrit aussi en droite ligne avec les propos de ceux qui inspirent depuis toujours Michel Fernandez, John Tchicai, son mentor et Don Cherry, deux représentants du free-jazz, ce courant libertaire vivace durant les années 60/70 et dont Michel Fernandez se revendique.

Formé en 2016, le Michel Fernandez Quartet réunit le saxophoniste Michel Fernandez aux saxophones (soprano et ténor), Joël Sicard au piano, François Gallix à la contrebasse et Nicolas Serret à la batterie. Ainsi entouré d’un solide trio, le leader a toute latitude pour faire vibrer de son jazz les sept plages de l’album.

« Brazza Cry » navigue entre jazz modal et musiques du sud. Abreuvé de l’énergie des rythmes et des improvisations on voyage d’Afrique en Andalousie, du Maghreb aux territoires d’un jazz libéré. Le propos du quartet de Michel Fernandez actualise avec bonheur les musiques libertaires des années 60/70 dans lesquelles il s’enracine. Le plaisir de l’écoute est proportionnel à l’intensité de la musique qui irradie d’énergie les sept titres du disque.

Enregistré en janvier 2017 au Domaine Le Trouillet à Alboussière, l’album « Brazza Cry » (Disques Futura et Marges) est la dernière production du regretté Gérard Terronès. On connait l’engagement qui fut le sien en direction des musiques issues du courant du free-jazz. On apprécie par ailleurs la qualité de l’enregistrement, le soin apporté à la prise de son et au mixage par Pierre Baudinat qui permet de percevoir la spontanéité des échanges entre musiciens et leur plaisir de jouer.

L’album compte de nouvelles compositions et trois reprises de titres déjà enregistrés par Michel Fernandez comme Bird Boy de Don Cherry où la sonorité déchirée du saxophoniste au ténor fait bon ménage avec la virtuosité du pianiste. Le saxophone élève sa prière après un solo de piano aux accents hard-bop. La solide section rythmique porte les solistes et le climat devient incandescent.

C’est aussi au saxophone ténor que Michel Fernandez rend hommage à John Tchicai sur Seven for Tchicai où le vigoureux Nicolas Serret laisse libre cours à son inspiration sur toms et cymbales. Sur Jamaâ El-Fna de Tawfik Ouldammar l’Afrique s’invite sur la superbe introduction de contrebasse de François Gallix qui explore le registre des graves évoquant ainsi le gembri des Gnawas. On est ensuite convié à une cérémonie gnaouie par la batterie qui utilise les cymbales pour rappeler les qraqeb. Le saxophone soprano virevolte. Sa psalmodie est soutenue par un piano entraînant… la transe n’est pas loin.

On aime l’ambiance de Colo-Mentality où le jazz emprunte les rythmiques africaines. Jazz colonisateur ou Afrique courtisée ? En tout cas, il s’agit d’une union heureuse. La batterie a l’honneur de mener l’échange jusqu’à sa fin qui surprend un peu. Sur Lea, le feu se fait braise et le ténor fait entendre une douce prière comme une bénédiction sereine.

C’est un ténor à la sonorité plus écorchée qui ouvre Brazza Cry. Un leitmotiv pulsatile introduit la prière exaltée du saxophone. Porté par le trio piano-basse-batterie, le saxophone élève sa voix jusqu’au cri. Le jeu modal de Joël Sicard et son solo volubile ne sont pas sans évoquer Don Pullen. On est immergé dans un sanctuaire où la musique tient lieu de lumière.

De « Brazza Cry » se dégage une mélancolie teintée d’allégresse. Mélancolie d’un hier révolu, allégresse d’un avenir possible. D’une plage à l’autre les rythmes venus d’Afrique enrichissent le propos hérité du free-jazz. Le quartet de Michel Fernandez crée un jazz libre et énergique qui navigue entre lamentation et spiritualité, entre incandescence et incantation.

 

Dans le cadre de la tournée de lancement de l’album « Brazza Cry » plusieurs dates se profilent pour découvrir le groupe en live. Pour retrouver le Michel Fernandez Quartet, rendez-vous à Lyon au Bémol 5 les 18 & 19 octobre 2017 à 20h30, à Paris le 24 octobre 2017 à 21h30 au Sunside dans le cadre de la 6ème édition de « Jazz sur Seine » et à Dijon le 25 octobre 2017 au Crusoé à 20h30.
« African Rhapsody » de Leïla Olivesi

« African Rhapsody » de Leïla Olivesi

Avec son nouvel album « African Rhapsody », la pianiste Leïla Olivesi rend un hommage solaire à l’Afrique de ses origines. Cet opus confirme les talents de la compositrice. Un puissant chant d’amour inspiré par les plus grandes pages de la poésie de la négritude (Senghor, Césaire). Un monde imaginaire comme un voyage lyrique et coloré.Avec son nouvel album « African Rhapsody », la pianiste Leïla Olivesi rend un hommage solaire à l’Afrique de ses origines. Cet opus confirme les talents de la compositrice. Un puissant chant d’amour inspiré par les plus grandes pages de la poésie de la négritude (Senghor, Césaire). Un monde imaginaire comme un voyage lyrique et coloré.

lire plus
« Songbook », le premier album vocal de Kenny Barron

« Songbook », le premier album vocal de Kenny Barron

Alliance entre tradition et modernité Le pianiste Kenny Barron signe « Songbook », son tout premier album entièrement vocal. Entouré du contrebassiste Kiyoshi Kitagawa et du batteur Johnathan Blake, le grand maître du piano mobilise un casting vocal impressionnant...

lire plus
« India », le voyage enchanteur de Louis Sclavis

« India », le voyage enchanteur de Louis Sclavis

Figure emblématique de la musique improvisée française et européenne, le clarinettiste, saxophoniste et compositeur Louis Sclavis présente « India », son troisième album chez YOLK. Enregistré en quintet, cet opus embarque l’oreille dans un voyage enchanteur. Une aventure musicale onirique et lyrique… l’évocation d’une Inde rêvée à partir de souvenirs de voyages.

lire plus
Share This