Chick Corea – The Spanish Heart Band : « Antidote »

Chick Corea – The Spanish Heart Band : « Antidote »

Un feu d’artifice vibrant de latinité

A la tête d’un octet rutilant qui réunit des musiciens venus de l’Espagne, de Cuba, du Venezuela et des États-Unis, le pianiste Chick Corea plonge de nouveau dans son héritage musical espagnol, latin et flamenco. Chick Corea - The Spanish Heart Band : « Antidote »… une immersion vivifiante dans le jazz latin de Chick Corea.

couverture de l'album Antidote de Chick Corea - The Spanish Heart BandAnnoncé pour le 28 juin 2019, l’album « Antidote » (Concord/Universal) marque une nouvelle étape latine dans la discographie de Chick Corea.

Dans la droite ligne de « Touchstone » and « My Spanish Heart », le pianiste continue à explorer les styles musicaux espagnol et afro-cubain avec à ses côtés, « The Spanish Heart Band » au casting exceptionnel. Des thèmes de Paco de Lucía, Antonio Carlos Jobim et Igor  Stravinsky s’ajoutent à des reprises de ses deux albums fétiches.

« My Spanish Heart »

« Mes racines sont italiennes, mais mon cœur est espagnol. J’ai grandi avec cette musique. Ce nouveau groupe est un mélange de tous les merveilleux et différents aspects de mon amour et de mon expérience vis-à-vis de ces rythmes qui constituent une grande partie de mon patrimoine musical. »  Chick Corea

Tout au long de sa longue carrière, le légendaire compositeur, pianiste et claviériste Chick Corea a exploré la musique bien au-delà des frontières du jazz. De nombreuses fois au fil des décennies, il a approfondi cet héritage des traditions espagnole, latine et flamenco qu’il nomme « My Spanish Heart ».

Depuis pratiquement ses débuts, la musique de Chick Corea a été empreinte de latinité. D’ailleurs il se  plait à évoquer le premier concert qu’il a écouté à son arrivée à New York en 1960, une prestation du percussionniste d’origine cubaine Mongo Santamaría au Birdland. Une grande partie de son « Spanish Heart » provient de cette époque où pendant les pauses de ses concerts, il allait écouter Tito Puente, Machito, Ray Barretto, Eddie Palmieri qui jouaient au Palladium.

Chick Corea ne fait aucun mystère de son amour pour la musique espagnole, latine et pour flamenco. Ça commence en 1972, par une de ses compositions les plus connues, Spain inspiré par le Concierto de Aranjuez de Joaquin Rodrigo. Le morceau a d’ailleurs été enregistré d’innombrables fois depuis, y compris par Paco De Lucía et Tito Puente.

En 1976, le pianiste sort « My Spanish Heart » avec Stanley Clark, Don Alias, Steve Gadd, Jean Luc Ponty et Gayle Moran où figure le thème Armando’s Rhumba dédié à son père. Cet album qui fusionne de manière innovante jazz et musique latine traditionnelle, fait partie des grands classiques de Corea.

Seize ans plus tard, en 1982, le pianiste s’est de nouveau aventuré sur un terrain musical similaire avec l’album « Touchstone » auxquels participaient entres autres, Al di Meola, Stanley Clarke and Lenny White et le légendaire guitariste flamenco Paco De Lucía sur deux titres, Touchstone et Yellow Nimbus.

En 2019, sur « Antidote » Chick Corea explore de nouveau ses influences espagnoles et latines avec le premier album de son nouveau The Spanish Heart Band, un octet multi-culturel auquel se joignent Rubén Blades, Gayle Moran Corea, et Maria Bianca.

The Spanish Heart Band

Pour se lancer dans cette nouvelle exploration dynamique de ses racines de cœur, le virtuose du clavier âgé de 78 ans a réuni autour de lui The Spanish Heart Band, un groupe de huit brillants musiciens.

Ainsi, une rythmique imparable entoure Corea avec le maître cubain de la basse Carlitos Del Puerto et le percussionniste vénézuélien Luisito Quintero qui ont joué sur l’album « Chinese Butterfly » (2018) enregistré par Corea en collaboration avec Steve Gadd. La batterie est confiée à Marcus Gilmore qui suit les traces de son grand-père, le grand Roy Haynes, lequel a d’ailleurs lui aussi collaboré avec Corea.

Outre la section rythmique, The Spanish Heart Band compte deux musiciens originaires d’Espagne, le guitariste de flamenco Niño Josele et le saxophoniste/flûtiste Jorge Pardo, qui ont tous deux travaillé avec le maître du flamenco Paco de Lucía. A leurs côtés, un duo de soufflants imparable composé du trompettiste Michael Rodriguez et du tromboniste Steve Davis. Enfin, le groupe accueille le danseur de flamenco Nino de los Reyes.

A cet octet multiculturel expert en flamenco et en rythmes latins s’ajoutent les voix de Rubén Blades, de Gayle Moran Corea et Maria Bianca.

De plage en plage

L’album ouvre avec la chanson titre et la voix de Rubén Blades qui se joint à l’ensemble des musiciens de l’octet. Le morceau se développe jusqu’à la transe à laquelle participe aussi le danseur. Dans la même dynamique on écoute avec un plaisir indicible la nouvelle version du célèbre Armando’s Rhumba déjà présent sur « My Spanish Heart » et dédié par le pianiste à son père. Sur ce nouvel arrangement, on savoure les rutilantes interventions du trombone, de la flûte et de la trompette. La guitare émerveille par son énergie et le piano se réinvente puis laisse place à une fusion rythmique éblouissante qui déclenche un un véritable séisme musical.

Les percussions dialoguent ensuite avec les pas du danseur en ouverture de Nimbus jaune, écrit à l’origine pour le duo Corea/De Lucía. The Yellow Nimbus - Part 1, donne libre expression aux couples guitare/palmas/danseur et flûte/piano qui échangent dans un tourbillon flamenco éblouissant et nuancé. Advient ensuite The Yellow Nimbus - Part 2, une autre facette du thème où l’on se laisse porter par les échanges entre le piano exultant et la guitare virtuose. Une musique enivrante.

Le chœur vocal luxuriant de Prelude To My Spanish Heart résonne comme une offrande religieuse qui précède une version revisitée de My Spanish Heart. Pris sur un rythme un rien danzon, la voix et les cuivres laissent place à un solo fougueux du piano puis à un chorus solaire de la trompette suivi d’un scat inspiré du chanteur. De Duende, le groupe propose une version quasi atmosphérique aux résonances percussives étranges autant que délicates. Flûte, trombone, trompette et piano amorcent le thème, très vite suivis par les huit musiciens qui engagent des échanges habités par la grâce… l’âme du flamenco affleure !

Chick Corea revisite de manière fort originale Zyryab, cette composition de Paco de Lucia qui porte le nom du poète et musicien du persan-africain du IXe siècle espagnol. Le leader a enregistré la version originale du titre avec le guitariste en 1990. La musique de 2019 restitue l’esprit d’un flamenco authentique nimbé d’influences espagnoles et moyen orientales qui sont mis en valeur par des arrangements riches et contrastés.

Chick Corea explore aussi le célèbre Desafinado composé par Antônio Carlos Jobim. Il choisit de poser la voix soul un peu détimbrée de Maria Bianca pour faire écho au titre qui signifie désaccordé. Sur un tempo plus rapide que le titre originel, le clavier conte avec allégresse et fluidité cette triste histoire d’amour. Avec le très court Pas de Deux, Corea introduit un autre genre musical, via un arrangement pour piano-solo d’un morceau du ballet « The Fairy’s Kiss » de Stravinsky. Seul au piano, Corea danse avec son instrument. Un enchantement plein de délicatesse.

L’album se termine avec Admiration sur lequel flûte aérienne et guitare lumineuse rivalisent d’inspiration. Si Corea endosse le rôle de pianiste, on perçoit surtout dans ce titre son implication dans les arrangements et les orchestrations qui élèvent ce morceau au firmament des étoiles. Les pas du danseur concluent le morceau. On flotte loin des contingences terrestres.

« Antidote », un album dynamique d’une grande musicalité. Sur les onze pistes, le jazz de Chick Corea - The Spanish Heart Band vibre d’une latinité qui enchante, il fait rêver et incarne peut-être le rôle de la musique et des artistes: aider à lutter contre le quotidien souvent sombre et peu amène, contribuer à apporter un dose d’espoir et de bonheur… comme un antidote contre la morosité ambiante.

Après l’écoute de l’album « Antidote », il tarde de retrouver live Chick Corea - The Spanish Heart Band. RV le 03 juillet 2019 à Jazz à Vienne, le 04 juillet 201 à Enghien-les-Bains 9, le 30 juillet 2019 à Marciac. ICI, pour connaître l’ensemble des autres dates de la tournée de Chick Corea - The Spanish Heart Band 

« La Dolce Vita » selon Stefano Di Battista

« La Dolce Vita » selon Stefano Di Battista

Trois ans après « Morricone Stories » dédié à Ennio Morricone, le saxophoniste italien Stefano Di Battista est de retour avec « La Dolce Vita », un nouveau projet ancré dans la culture populaire de son pays. En quintet, il fait résonner sous un nouveau jour douze chansons italiennes emblématiques de l’âge d’or de l’Italie. L’album navigue entre ferveur et nostalgie.

lire plus
« Mères Océans » de Christophe Panzani

« Mères Océans » de Christophe Panzani

Christophe Panzani présente son nouveau projet, « Mères Océans ». Le saxophoniste présente une musique intime où alternent douceur et puissance, acoustique et électronique. Les émotions subtiles sont portées par des mélodies de rêve. Un poème musical intimé dédié à sa mère disparue.

lire plus
Jazz à Vienne 2024 – La programmation

Jazz à Vienne 2024 – La programmation

Pour sa 43ème édition, du 27 juin au 12 juillet 2024 avec une soirée supplémentaire le 16 juillet, le festival, Jazz à Vienne propose 16 jours de concerts. Le célèbre les 20 ans de la disparition de Claude Nougaro, avec « NewʼGaro », une création hommage, en collaboration avec d’autres festivals. Vingt-huit nationalités seront présentes avec un focus européen sur la Suisse et Stracho Temelkovski en artiste associé. Pour plus de la moitié des artistes le Théâtre Antique constituera une première. Une programmation ouverte à tous les publics… à découvrir avec gourmandise.

lire plus
Share This