Vanessa Tagliabue Yorke & « Contradanza »

Vanessa Tagliabue Yorke & « Contradanza »

Voyage onirique aux climats insolites

Conçu avec brio par la chanteuse Vanessa Tagliabue Yorke, l’album « Contradanza » rend hommage à l’artiste néerlandais Bas Jan Ader disparu en mer lors d’une performance intitulée « A la recherche du miracle ». L’opus aux références artistiques très larges se distingue par un format narratif soigné qui mêle les genres musicaux. Et le miracle advient… l’oreille se laisse conquérir par ce voyage onirique insolite qui donne à découvrir un univers d’une richesse peu commune.

La voix très souple de Vanessa Tagliabue Yorke balise les dix étapes de l’album « Contradanza » (Abeat Records/UVM), un projet musical construit comme un pèlerinage en l’honneur de Bas Jan Ader (1942-1975). Photographe et performeur, l’artiste néerlandais émigré en 1963 en Californie disparaît en mer en 1975, sur son petit voilier « Ocean Wave », entre la Côte Est des États-Unis et l’Angleterre, lors d’une dernière performance intitulée « In The Search of The Miraculous ». Le bateau est retrouvé au large des côtes d’Irlande le 18 avril 1976 mais l’artiste a disparu.

Avec une heureuse inspiration, « Contradanza » brasse les genres musicaux. Musiques du XIXème siècle et jazz créatif se télescopent sur des airs de contredanses cubaines. Au fil des dix pistes de ce voyage musical inventif et inspiré, résonnent l’hymne de la Floride, des bribes de bluegrass, des échos de musiques néo orléanaise, des envolées lyriques et des emprunts au rock progressif. L’album ne manque ni de ressource, ni de liberté et encore moins d’inspiration.

Vanessa Tagliabue Yorke

Non seulement Vanessa Tagliabue Yorke est chanteuse et compositrice de jazz diplômée du Conservatoire Lucio Campiani de Mantou, mais elle est aussi sculptrice et peintre issue de la Nouvelle Académie des Beaux-Arts de Milan. Elle possède une connaissance approfondie du jazz des années 1920/1930 ce qui lui vaut d’être invitée à un « Tribute to Bix Beiderbecke » aux USA en 2012 et d’enregistrer ensuite l’album « Racine Connection » publié par le label américain Rivermont Records.

Vanessa Tagliabue Yorke

Vanessa Tagliabue Yorke©Rroberto Cifarelli

En Italie, elle engage ensuite une collaboration avec le tromboniste et tubiste Mauro Ottolini avec lequel elle enregistre en « Musica per una società senza pensieri Vol. 1 » et « Musica per una società senza pensieri Vol.2 » puis « Buster Kluster » en 2016. En 2015, elle sort sous son nom l’album « Contradanza » (Abeat Records) puis en 2016, elle publie « We Like It Hot » (Artesuono) en quartet avec Paolo Birro (piano), Francesco Bearzatti (clarinette) et Mauro Ottolini (trombone).

En 2017, Vanessa Tagliabue Yorke sort l’album « Nocturnes » (Azzurra Music) où elle chante Edith Piaf entourée de Paolo Birro au piano et Andrea Bettini. Durant cette même année 2017, sort « Tra la Via Aurelia e il West » (Ala Bianca Records) dans lequel Vanessa relit des morceaux de Francesco Guccini avec l’orchestre symphonique de San Remo dirigé par Vince Tempera. Dans cet album elle chante avec Carmen Consoli, Roberto Vecchioni, John de Leo, Cristina Donà, Pacifico, Leonardo Pieraccioni. L’année 2017 est faste puisque la chanteuse intervient aussi sur trois titres de l’album « Tenco come ti vedono gli altri » (Azzurra music) avec Gino Paoli, Daniele Silvestri, Alberto Fortis, Petra Magoni, Vincenzo Vasi.

Vanessa Tagliabue Yorke collabore donc avec de nombreux musiciens italiens parmi lesquels Mauro Ottolini, Roy Paci, Enrico Terragnoli, Danilo Gallo, Vincenzo Vasi, Peo Alfonsi, Paolo Birro, Francesco Bearzatti et elle a participé à de prestigieux festivals italiens comme Umbria Jazz, Time in Jazz Berchidda, Ravello Jazz Festival, Torino Jazz festival et beaucoup d’autres.

Sorti en France le 28 mars 2019 chez Abeat Records, l’album « Contradanza » permet de découvrir le travail de cette artiste très créative.

L’album « Contradanza »

Cet opus témoigne d’une conception artistique soignée, d’une recherche approfondie et d’une réalisation technique aboutie qui permet d’apprécier un contenu musical fort riche. On découvre les sonorités d’instruments vintage peu souvent employés comme le thérémine l’armonium Galvan, l’orgue Philicorda auxquels s’ajoutent les sons de conques et de tôles en acier système HN®.

Couverture de l'album Contradanza de Vanessa Tagliabue YorkeLa voix puissante et claire de la chanteuse est accompagnée par des musiciens virtuoses. Aux côtés de Vanessa Tagliabue York , Mauro Ottolini (trombone, trompette à coulisse, sousaphone, flûtes, coquillages), Ethan Uslan (piano à queue), Vincenzo Vasi (thérémine, instruments électroniques, voix, jouets), Paolo Tomelleri (clarinette), Enrico Terragnoli (guitare électrique, banjo), Paolo Garzillo (guitare et basse électriques), Roberto De Nitt (Philicorda, armonium Galvan, piano), Dario Buccino (tôles en acier système HN®), Maurillio Balzanelli (percussions africaines), Mauro Costantini (orgue Hammond), Giovanni Majer (contrebasse) et Gaetano Alfonsi (batterie) sans oublier Miriam Abate qui prête sa voix à une sirène.

Pour souligner la poétique inhérente à l’œuvre pourtant moderne du performeur Bas Jan Ade, Vanessa Tagliabue Yorke utilise des musiques du XIXème siècle, comme celles de Stephen Foster (1826-1864) et des contradanzas composées par Manuel Saumell (1818-1970) et Ernesto Lecuona (1895-1963). La contradanza était une version cubaine de la contredanse européenne du 19ème siècle pour piano ou piano et voix lyrique.

Sur « Contradanza », la chanteuse Vanessa Tagliabue Yorke propose une aventure musicale en dix étapes où elle tisse des liens entre la modernité du performeur Bas Jan Ader et des musiques empreintes de romantisme. Dans cette partition qui mélange les genres, elle honore la mémoire de l’artiste et lui offre une lamentation insolite où les envolées lyriques et poétiques contrastent avec les sonorités d’un rock décadent aux flamboyances chargées d’émotion.

Au fil des pistes de « Contradaza »

Le voyage musical débute d’une façon quelque peu solennelle avec Io sono la nostalgia, inspiré de La nina bonita de Manuel Saumell. Mauro Ottolini fait pleurer son trombone, le piano d’Ethan Uslan joue le rythme habanera de la contradanza sous un déluge de bruitisme généré par les tôles d’acier de Dario Buccino qui simule le décollage d’un avion et le thérémine de Vincenzo Vasi qui pleure. La voix de la jeune Miriam Abate incarne le chant de la sirène qui invite Bas Jan Ader à partir.

Inspirée de de La suavecita, contredanse pour piano de Manuel Saumell, Vanessa Tagliabue Yorke chante en Italien et incarne la voix de l’épouse qui laisse partir l’artiste vers In cerca del Miracolo. Au lyrisme du début succède un mouvement baroque et insolite qui hésite entre rock déjanté et free jazz baroque.  Sur Ocean wave qui marque le début du voyage, on ressent les mouvements du petit bateau qui se laisse porter sur la partition d’une contredanse inspirée de La conga se va de Ernesto Lecouna et chantée en Espagnol. La voix de soprano de Vanessa s’épice de malicieuses étrangetés alors que Mauro Ottolini joue des coquillages sur un rythme qui flirte avec l’accompagnement bluegrass du banjo.

La barque se perd ensuite dans l’immensité de l’océan alors que survient le nostalgique The Tempest inspiré de Jeanie with the light brown hair de Stephen Foster. L’émotion affleure alors que, sur un tempo de rock cataclysmique la guitare incarne la tempête sur des sonorités underground que Marc Ribot ne renierait pas. Après les flots déchaînés, le thérémine chante Sea Shanties inspiré d’une chansonnette des années trente de la tradition populaire définie par Ethan Uslan comme un faux chant hawaien que le pianiste joue en duo avec Vincenzo Vasi alors que, sur un tempo de dixieland, la voix de Vanessa évoque le retour sur une île enchantée.

Après ce rêve, advient le kafkaïen La luna non interprété en duo par la voix de la chanteuse et les tôles de Dario Buccino. Après ce cauchemar, place au contemplatif Farewell. Inspiré de Old folks at home de Stephen Foster. Revitalisé par la voix gospellisante et la clarinette de Paolo Tomelleri, le morceau  regarde vers le passé pour un adieu polyphonique néo orléanais mené par banjo, trombone, rythmique et trompette et voix.

C’est ensuite l’atmosphère chargé d’émotions de Franck. Bas Jan Ader parle à Frank Lloyd Wright et pour l’occasion, se trame une atmosphère nébuleuse puis tumultueuse que tressent la guitare, l’orgue, le thérémine, le sousaphone et la batterie. La voix claire émouvante de la chanteuse en surgit comme un ange porteur d’une lumière qui précède la chute, en référence aux performances de Bas Jan Ader (« Fall I, II, III ») et à la maison sur la cascade (Falling Water) de l’architecte Frank Lloyd Wright.

Le chant tragique de Vanessa habite ensuite l’univers rock électro puissant et féerique de Niet chainie-Andy, écrit par la chanteuse sur une berceuse russe adressée à Andy Warhol. D’outre-tombe, le peintre répond sur Andy Ending à travers la voix de Vanessa Tagliabue Yorke qui chante ses célèbres mots « Quand je mourrai, je ne veux pas laisser de restes. Je voudrais disparaître. Les gens ne diraient pas: « Il est mort aujourd’hui ». Ils diraient: « Il a disparu »… comme Bas Jan Ader l’a fait à la recherche du miracle. Du chaos évoqué par la désespérance de la guitare, de l’orgue paroxystique et des tôles émerge le chant qui se charge de force vitale après la rencontre avec les percussions africaines.

Sur les voiles de la nostalgie, on a embarqué avec Vanessa Tagliabue Yorke et ses compagnons à la recherche d’un possible miracle sur les vagues de l’océan mais après le chant des sirènes et la tempête vient le temps de l’adieu, des pleurs et de la disparition. « Contradanza » a porté la lamentation et ravivé le souvenir de Bas Jan Ader.

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