Dizzy Gillespie, géant du jazz inoubliable
En 2017 le label Cristal Records fête le centenaire de la naissance de Dizzy Gillespie avec la sortie du coffret « The Extravagant Mr Gillespie ». Il fallait bien trois albums et cinquante titres pour honorer ce trompettiste ahurissant, ce chef d’orchestre tonique, un co-fondateur du bebop et un des pionniers du jazz afro cubain.
Qui ne connait pas les photos montrant le génial Dizzy Gillespie et sa fameuse trompette au pavillon retourné vers le haut, celui dont les joues gonflaient démesurément lorsqu’il embouchait et soufflait ?
Ce géant du jazz du XXème siècle a grandement contribué à l’évolution de cet art. Son charisme scénique, sa technique sur l’instrument, ses compositions devenues des standards ont fait de lui un des favoris du public qui plébiscitait ce trompettiste prodigieusement véloce et amuseur impénitent lors de chacune de ses prestations.
Le 17 novembre 2017, le label Cristal Records a sorti le coffret « The Extravagant Mr Gillespie ». C’est Claude Carrière qui a conçu cet hommage en trois albums, l’un consacré aux petites formations de Dizzy, « Small Groups », l’autre aux « Big Bands » et le dernier intitulé « Latin Dizzy ». Une sélection de 50 titres enregistrés par Dizzy Gillespie entre 1945 et 1962 et réunis sur 3 CD. Un programme réjouissant
John Birks Gillespie dit Dizzy Gillespie est né à Cheraw en Caroline du Sud le 21 octobre 1917. Ce trompettiste, chef d’orchestre et compositeur est devenu un géant du jazz du XXème siècle. Il n’a eu cesse, à sa manière, de lutter pour les droits civiques des afro-américains. La musique lui permis de s’exprimer, d’exister et de faire face ainsi à l’oppression raciste des états du sud de cette Amérique alors ségrégationniste. Il intègre l’orchestre de Teddy Hill puis celui de Cab Calloway en 1939. Sur scène son attitude d’amuseur-blagueur lui vaut le surnom de Dizzy.
Dans les années 40 avec d’autres musiciens dont le saxophoniste Charlie Parker, le pianiste Thelonious Monk et le batteur Kenny Clarke il invente le be-bop, style tonique s’il en est qui s’éloigne très nettement de l’esthétique du swing des années précédentes. En 1947 il se rapproche du percussionniste cubain Chano Pozzo, écrit le fameux Manteca et irradie sa musique des éléments rythmiques colorés dont les racines remontent aux musiques du continent africain.
A ses côtés se sont produits au long des années le pianiste panaméen Danilo Perèz, le trompettiste cubain Arturo Sandoval, le percussionniste Mongo Santamaria, la saxophoniste cubain Paquito d’Rivera, le percussionniste Ray Baretto, le pianiste Chucho Valdes et dans les dernières années le saxophoniste David Sanchèz. Sa musique devient multiculturelle. C’est ainsi qu’il a participé à fonder ce qui est devenu le jazz afro-cubain aussi appelé latin-jazz.
Dans les années 50 la société américaine n’accorde pas aux musiciens afro-américains la liberté à laquelle ils aspirent et Dizzy Gillespie, comme bien d’autres jazzmen vient jouer en Europe. En 1953, il donne un concert Salle Pleyel à Paris. Le bebop fait fureur et ce succès encourage le trompettiste qui continuera inlassablement jusqu’en 1993 (date de sa mort) à parcourir les scènes internationales soit au sein de petits groupes, de big-bands ou avec des formations de latin-jazz.
C’est selon cette classification que Claude Carrière a organisé les titres sur les trois albums qui constituent le coffret « The Extravagant Mr Gillespie » (Cristal Records/Sony Music Entertainment).
« Small Groups » fait entendre Dizzy Gillespie dans le cadre de petites formations. C’est plaisir d’écouter les enregistrements de Groovin’ High et Dizzy Atmosphere en 1945 avec Charlie Parker et Slam Stewart, celui de Lip Frog de 1950 avec Monk, Parker et Buddy Rich. On se régale aussi avec Wee capté en 1953 où Dizzy est en quintet à Toronto avec Charlie Parker, Charlie Mingus, Bud Powell et Max Roach. Du jazz ahurissant et historique.
« Big Bands » est consacré à Dizzy, chef et soliste de grands orchestres. On se délecte de la sonorité cuivrée de Dizzy, de la rondeur des lignes de basse de Ray Brown et de la puissance de frappe de Kenny Clarke en 1946 sur One Bass Hit II. On ne boude pas non plus la très souple version de Perdido dirigée et arrangée par Clare Fisher en 1960 avec Hank Jones, George Duvivier, Charli Pershiip et un Dizzy en pleine forme. 20 titres d’éblouissants orchestres.
« Latin Dizzy » met en évidence le rôle et l’implication de Dizzy Gillespie dans l’avènement du jazz afro cubain. On goûte avec délice Algo Bueno, Cubana Be et Cubana Bop où l’on perçoit la précision de la frappe de Chano Pozzo et les interventions éclatantes et véloces de Dizzy. On ne se lasse pas d’écouter The Manteca Suite enregistrée en 1954 et conduite par Chico O’Farrill avec un solo de Dizzy qu’accompagnent Mongo Santamaria et trois autres percussionnistes. Du latin jazz renversant de puissance et de précision.
Belle initiative que la sortie du coffret « The Extravagant Mr Gillespie » pour célébrer le centenaire de la naissance de ce trompettiste qui ne s’est pas contenté de faire l’amuseur sur les scènes. Il a contribué par son talent à écrire et faire vivre la grande histoire du jazz. A partager largement avec les plus jeunes qui ne connaissent pas encore Dizzy Gillespie et avec ceux qui ont aimé l’écouter de son vivant et bien après.
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