John Greaves signe « Life Size »

John Greaves signe « Life Size »

Souvenirs mélancoliques et ombres élégantes

Le prolifique compositeur John Greaves revient avec « Life Size », son seizième opus. Entouré de trois voix féminines et d’une pléiade de musiciens internationaux, le chanteur interprète de nouvelles compositions et revisite quelques anciennes. Une promenade mélancolique à l’ombre de douze chansons élégantes et raffinées, souvenirs d’une vie grandeur nature.

Au carrefour de nombreuses traditions musicales, John Greaves fait partie de ces artistes que l’on dit inclassables. Compositeur, chanteur, bassiste et pianiste, le poète gallois a diversifié ses aventures musicales. Ainsi, il a collaboré avec Henry Cow et Peter Blegavd, Robert Wyatt et Carla Bley, naviguant ainsi entre rock expérimental, free jazz et chansons avec de nombreuses incursions dans le monde de la poésie comme un cycle de chansons autour de Verlaine. Pour ses nombreuses productions discographiques, il a toujours préféré les labels indépendants.

Le 01 mai 2019, John Greaves sort « Life Size » (Manticore/Believe), un seizième album de douze chansons qui inscrit son propos dans la droite ligne de « Songs » sorti en 1995.

L’album

« Life Size » sort sur le label Manticore, qui, dans les années 1970, a assuré la promotion du groupe Emerson, Lake et Palmer. Il est aujourd’hui dirigé par celui à qui Greg Lake (1947-2016) l’a légué, Max Marchini. L’album a été enregistré par Alberto Callegari.

Couverture de l'album Life Size de John GreavesParmi les douze chansons de « Life Size », neuf sont à porter paroles et musique au crédit de John Greaves. Certaines sont inédites et d’autres sont reprises et réarrangées, comme God Song composée par Robert Wyatt.

Interprétés en français, italien ou anglais, les titres permettent d’entendre John Greaves et trois voix féminines, celles de Valérie Gabail, Annie Barbazza et Himiko Paganotti. Le chanteur s’est aussi entouré d’une brochette de musiciens rencontrés tout au long de son parcours d’artiste, le violoncelliste Vincent Courtois, le batteur Matthieu Rabaté, le hautboïste Camillo Mozzoni, les guitaristes Olivier Mellano et Jakko Jakksyk (de King Crimson), la pianiste Sophia Domancich, la harpiste Zeena Parkins et Lino Capra Vaccina (piano, gongs, ambiance, cymbales, percussion).

Au fil des souvenirs

John Greaves déroule un répertoire élégant aux tonalités pop-rock. L’oreille se laisse porter au fil des ombres de souvenirs mélancoliques et de nostalgiques pensées.

On est touché par l’esthétique pure et harmonieuse des deux duos gravés avec Valerie Gabail. Air de la lune et son atmosphère stellaire ouvre l’album. Sur Hôtels la voix parlée du chanteur est irradiée par celle de la soprano qui dialogue avec harpe, violon et hautbois.

La tonalité des duos enregistrés avec Annie Barbazza se situe dans des territoires plus pops. In te décline les couleurs mélancoliques d’une chanson folk chantée en italien et créée en 1983 sous le titre Rose est la vie. Le crépusculaire Earthy Powers s’inscrit dans la même veine sépia qu’accentuent les traits bluesy du violoncelle et de la guitare. Le duo gagne en intimité et en tendresse sur How Beautiful seulement accompagné par le piano.

Sur Still Life, Annie Barbazza vient seulement ajouter des échos embrumés à la voix du chanteur qui dévoile plusieurs paysages. On entrevoit tous les possibles de la vie y compris cette fin incontournable avec laquelle il faut compter. Superbe contraste entre le hautbois romantique qui s’élève au-dessus des cordes et la ligne rythmique stimulante de la basse.

John Greaves s’efface et laisse la parole à celle qui fut la voix de Magma pendant sept années. Himiko Paganotti étire en français La Lune Blanche au climat évanescent où se croisent le chant réverbéré, les séquences de cordes et les sonorités du piano préparé de Sophia Domancich.

Cinq chansons permettent d’apprécier la voix de baryton du chanteur de John Greaves entouré seulement d’instruments. Ces moments précieux permettent de capter l’essence du chant du leader.

Sa voix voilée et écorchée est mise en valeur sur The Same Thing aux splendides changements de rythmes. Plus tard, on frémit d’émotion à l’écoute de God Song de Robert Wyatt qui prend les allures d’une rêverie nocturne frissonnante entre interrogation et affirmation.

La voix parlée du chanteur installe une ambiance envoutante sur Kew Rhône Is Real où résonnent le violoncelle exaspérant, les cordes irritantes, les percussions entêtantes et le piano crispant. Superbe tension ! On tombe ensuite sous le charme de la superbe fantaisie ludique Sweetheart Goodbye où la voix jongle avec les syllabes des mots intercalées entre les interventions instrumentales des cordes et percussions

L’album se termine par une nouvelle version de Lie Still, Sleep Becalmed, chanson que Greaves a coécrite avec Peter Blegvad. Un morceau très court au climat minimaliste où la voix parlée côtoie piano, basse et percussion et sous-tend une émotion de chaque instant.

« Life Size » enchante par ses atmosphères où se croisent frissons et tendresse. Brumes et échos dévoilent des paysages éthérés et mystérieux auxquels des rythmes un rien plus contrastés auraient pu ajouter un brin de dynamisme.

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