Une élégante poésie musicale
Le deuxième album de Jeremy Hababou porte vraiment bien son nom, « Nuances ». D’une facture épurée, mélodies et atmosphères explorent le registre des émotions. Élégantes et raffinées, les compositions du pianiste s’accordent avec la sobriété de son jeu. Une musique poétique, sensible et élégante.
Dans la continuité de son premier album « Run Away », Jeremy Hababou revient avec « Nuances » (Outnote/Outhere) sorti le 08 juin 2018. On retrouve l’élégance, la sensibilité et la sobriété déjà perceptibles dans sa musique de 2016.
Sur « Nuances » enregistré en mai 2017 par Gérard de Haro assisté d’Anaëlle Marsollier dans les studios de La Buissonne à Pernes-les-Fontaines, Jeremy Hababou se présente en trio avec Lukmil Perez à la batterie et Chris Jennings à la basse. Le pianiste invite aussi Stéphane Chausse (clarinette et clarinette basse) sur quatre titres et Jeremy Bruyère (contrebasse) sur trois morceaux.
Depuis « Run Away »…
Depuis ses débuts discographiques et après les rencontres musicales et humaines déjà évoquées dans la chronique « Run Away », le premier album de Jeremy Hababou, le pianiste a participé à la bande son du film « Tamara » réalisé par Alexandre Castagnetti, à celle de « Django » réalisé par Etienne Comar ainsi que celle de « La promesse de l’aube » réalisé par Eric Barbier.
Jeremy Hababou a cheminé aux côtés d’André Manoukian en qui il a trouvé un « coach » et aussi un partenaire complice puisqu’il leur arrive de se produire en concert en duo. Il convient aussi d’évoquer dans son entourage la présence d’un autre pianiste, Eric Legnini qui assure la direction musicale de son nouvel album « Nuances ».
Le monde sensible de « Nuances »
Des paysages musicaux de « Nuances » se dégage une dimension cinématographique indéniable. En effet, les atmosphères des neuf pistes possèdent une forte puissance suggestive. Chaque titre déclenche des impressions voire même des émotions qui évoluent plutôt dans le registre d’un romantisme bien tempéré avec des incursions dans le monde de la mélancolie et d’un univers aux teintes sépia.
Dans la plupart des climats musicaux règne une épure qui confine quelquefois au minimalisme. Malgré une esthétique dépouillée, le pianiste compositeur fait advenir des ambiances harmoniques et rythmiques plus coloristes qui demeurent malgré tout ancrées dans le monde sensible de cet artiste dont la maturité musicale se confirme.
Impressions musicales
La mélodie mélancolique de Tristesse incarne tout à fait le sentiment qu’évoque son titre. Une ballade épurée et sensible où l’archet de la contrebasse étire les notes en une lamentation que Satie n’aurait pas déniée.
Dans la même gamme de nuances, s’inscrivent les deux versions de Chanson d’Hiver. Dans le premier morceau la mélodie est chantée par la clarinette basse dont la sonorité très pure sied à cette romance délicate. L’accompagnement dépouillé et sobre du piano et de l’archet de la contrebasse accentue plus encore le climat hivernal du morceau. Le leader reprend le thème en piano solo et ses harmonisations accentuent le climat romantique du morceau.
Le piano ouvre en solo Le Penseur par une mélodie qui peut évoquer un songe calme débuté durant une nuit printanière sereine. La section rythmique presse ensuite le tempo et le vent se lève, l’intensité gagne le discours du piano qui laisse deviner la survenue d’une pensée plus dense et agitée. Le Désir qui ouvre l’album fait lui aussi coexister deux ambiances musicales qui s’enchaînent et adoptent un tempo différent. Le motif réitératif développé par le piano tranche avec celui plus pondéré que joue l’archet. A la toute fin ils s’entremêlent en bonne entente.
Au centre de l’album, Éclaircie donne à entendre une superbe embellie musicale. Ce titre permet au batteur de prendre un solo long et énergique sur un motif répétitif du piano qui se développe en expansion. Sur une ligne de contrebasse tendue le thème de Pantin est décliné à l’unisson par la clarinette et le piano puis survient un déséquilibre (très étudié) qui permet à la clarinette de se lancer dans un chorus voltigeur et de retrouver son équilibre sur les accords sécurisants d’un piano ludique.
Sur Chanson pour Anne, les envolées lyriques et aériennes de la clarinette illuminent la musique du trio comme un clin d’oeil ému fait à Anne Ducros. Le Chant Du Chameau est sans doute la composition qui se démarque le plus des autres par le style oriental de sa mélodie. La clarinette décolle en impro sur le tapis volant déroulé par le piano et la contrebasse mais la batterie a le dernier mot et marque la fin de la promenade à chameau.
Avec « Nuances » Jeremy Hababou confirme sa place parmi les plus talentueux musiciens de la scène jazz française. La sobriété de son jeu porte le sceau indéniable de la musique classique ce qui sied tout à fait à son écriture et aux climats qu’il instaure. Aucun bavardage n’entache cet album qui brille par ses climats nuancés et un art maîtrisé de l’épure.
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