53 ans, 15ème album en leader, 3 trios
Jacky Terrasson revient en trio sur un album intitulé « 53 », en référence à son âge. Avec trois rythmiques différentes, le pianiste livre plusieurs facettes de son talent. Outre son éblouissante virtuosité, il pratique avec réussite l’art de la retenue et de la douceur. Sensible, la musique respire mais n’oublie pas de groover. De quoi combler d’aise les oreilles éprises de nuances.
Après « Mother » sorti en 2016 en duo avec Stéphane Belmondo, Jacky Terrasson fait le choix du trio sur « 53 » (Blue Note/Universal) à sortir le 27 septembre 2019.
Pour ce quinzième album en leader qui marque la cinquante troisième année du pianiste, ce dernier fait appel à trois rythmiques différentes pour l’accompagner.
“Pourquoi 53 ? Tout simplement parce que j’aurai conçu et enregistré cette musique au cours de ma 53e année et qu’à cette occasion j’ai voulu faire un disque qui me ressemble vraiment. C’est un âge pour un homme où l’on se sent dans une forme de maturité, en pleine possession de ses moyens, avec en plus un léger recul sur la vie qui permet une certaine lucidité. Avec ce disque j’ai eu envie de me livrer totalement, de prendre des risques, tout en assumant mon parcours, mes choix artistiques, ma vie… et mon âge !” Jacky Terrasson
« 53 » révèle l’étendue de l’art du pianiste
A l’occasion de ses trente ans de carrière, le pianiste Jacky Terrasson distille plusieurs climats sur les seize plages de « 53 ». Cet opus cultive plus la sensibilité, la tendresse, la douceur et la subtilité que l’énergie et la virtuosité, sans pour autant les oublier. En effet, si le pianiste invite le silence au cœur des mélodies, pratique l’épure et la concision, il n’oublie pas pour autant de libérer sa fougue et son énergie jubilatoire.
Des compositions personnelles
A part un arrangement du Lacrimosa du Requiem de Mozart, les quinze autres titres du répertoire de « 53 » sont des compositions originales de Jacky Terrasson, ce qui constitue une première discographique pour le pianiste. Il a en effet toujours excellé dans les reprises de standards qu’il transforme, après les avoir déconstruits puis reconstruits.
Arrangements précis et formats ramassés
Arrangés avec précision, les quatorze titres originaux construisent un univers aux ambiances variés mais aux formats ramassés. Ainsi alternent pièces intimistes au climat sentimental (My Lys), nostalgique (Alma), romantique (Nausica) ou empreint de sérénité (Resilience), morceaux explosifs à tendance bop (Jump!) ou funky (Babyplum et This is mine), fantaisie bluesy (Blues en femmes majeures), brillant exercice de style (Palindrome), ballade au tempo suspendu (La part des Anges) en version instrumentale ou avec le poème de Baudelaire, « Enivrez-vous » (Le Spleen de Paris) que dit Stéphane Menut.
Retour au trio piano-basse-batterie
Hormis, son arrangement de Lacrimosa que le pianiste interprète seul et le titre Résilience qui conclut l’album avec un hommage émouvant à sa mère disparue, où Jacky Terrasson s’exprime en duo avec la contrebasse de Géraud Portal, le leader joue en trio sur les quatorze autres titres.
Pour qui a écouté Jacky Terrasson dans les années 90, avec son trio d’alors qui réunissait Leon Parker à la batterie et Ugonna Okegwo à la basse, le retrouver de nouveau en trio est un grand plaisir. En fait le bonheur est triple car le leader ne craint pas le risque. En effet, il ne se contente d’un seul trio mais diversifie les approches avec trois rythmiques différentes.
Le bassiste Géraud Portal rejoint le batteur Ali Jackson sur quatre titres tout en légèreté The Call, Alma, Kiss Jannett for me, La part des anges instrumental, sur un cinquième morceau bluesy, Blues en femmes majeures et un sixième plus groovy avec la basse électrique, This is mine.
Le bassiste Sylvain Romano et le batteur Gregory Hutchinson sont réunis sur des morceaux habités par l’énergie, les survoltés Mirror et Jump!, les plus toniques Babyplum et What happens au 6ème et aussi le tendre Nausica.
La paire rythmique composée du contrebassiste Thomas Bramerie et du batteur Lukmil Perez intervient sur My Lys pris sur un tempo de bossa rapide et sur le savant et ludique Palindrome. Les deux rythmiciens accompagnent aussi le pianiste sur la reprise de la Part des Anges sur laquelle Stéphane Menut dit « Enivrez-vous » de Baudelaire.
Clins d’œil à quelques titres
- The Call ouvre l’album sur un tempo léger, tout en suspension et riche en ruptures. Le titre rend un hommage au style d’Ahmad Jamal. Jacky Terasson est accompagné subtilement par Gérauld Portal (contrebasse) et Ali Jackson (batterie).
- Avec la même rythmique, le pianiste tire aussi une révérence à un autre de ses maîtres, Keith Jarrett, sur le bien-nommé Kiss jannett for me. Une douce mélancolie imprègne cette mélodie raffinée et délicate.
- Composée pour le film « La sincérité » de Charles Guérin Survielle (2017), Alma sonne comme une confession musicale intime empreinte de mélancolie. Jacky Terrason fait preuve d’une grande maitrise dans son expression avec des notes jouées avec retenue mais avec un grand naturel. Le contrebassiste Gérauld Portal et le batteur Ali Jackson sont en totale symbiose avec le maitre de cérémonie.
- Jacky Terrasson reprend Babyplum, une de ses compositions sur l’album « What it is » enregistré en 1999. Le pianiste était alors au Fender Rhodes accompagné par Michael Brecker (saxophone ténor), Richard Bona (basse electrique) et Mino Cinelu (batterie et percussions). Sur « 53 », le pianiste propose une version acoustique du même thème, avec de riches arrangements harmoniques. Il est accompagné par Gregory Hutchinson à la batterie et Sylvain Romano dont le chorus ciselé enchante.
- On a aussi vibré à l’écoute de la somptueuse ballade Nausica dont les notes choisies avec précision par le pianiste font respirer la mélodie. Par leur soutien rythmique délicat, Sylvain Romano et Gregory Hutchinson contribuent au climat évanescent du thème.
Entre confession et libération, l’album « 53 » révèle toute l’étendue du talent de Jacky Terrasson. L’énergique pianiste se double d’un tendre poète. Sa musique navigue entre intimité, tendresse, mélancolie et vitalité, dynamisme et ardeur. Difficile de ne pas succomber au charme subtil de cet opus sensible.
Pour baigner dans les splendides climats de l’album « 53 », quelques rendez-vous à venir prochainement avec Jacky Terrasson en trio. Il se produira le 04 octobre 2019 dans le cadre de Jazz entre les deux Tours à La Rochelle (avec Sylvain Romano et Ali Jackson), le 31 novembre 2019 à Ermont dans le cadre de Jazz au Fil de l’Oise avec (avec Sylvain Romano et Ali Jackson), le 07 déembre 2019 à l’Auditorium de l’Opéra de Bordeaux dans le cadre du Festival l’Esprit du Piano à Bordeaux (avec Sylvain Romano et Ali Jackson), le 12 décembre 2019 à Paris au New Morning (avec Géraud Portal et Lukmil Perez) et à Paris les 27, 28, et 29 décembre 2019 au Sunside (avec Géraud Portal ou Thomas Bramerie et Lukmil Perez).
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