« I Am A Man », le nouveau projet de Ron Miles

« I Am A Man », le nouveau projet de Ron Miles

Le chant de l’homme entre force et tendresse

« I Am A Man », le nouveau projet de Ron Miles affiche un cri de révolte. Au-delà de l’affirmation du droit d’exister, le trompettiste proclame sa musique comme principe politique. L’art permet à l’homme de s’exprimer et d’affirmer ainsi son existence. Un superbe album.

Le titre de l’album, « I Am A Man », fait référence à un dramatique accident survenu à Memphis en 1968. La rupture de la benne d’un camion à ordures coûta la vie à des hommes afro-américains affectés aux services d’assainissement de la ville. Le lendemain les travailleurs manifestent dans les rues et brandissent des pancartes avec le slogan « I Am A Man ».Couverture de l'album "I Am A Man" par le quintet du trompettiste Ron Miles

En reprenant cette affirmation, Ron Miles élargit le sens de la phrase au-delà des droits civiques, jusque dans le champ de la création qui autorise la libre expression de chacun et lui permet ainsi d’exister.

Sur l’album « I Am A Man » (Enja-Yellowbird/L’Autre Distribution) enregistré en décembre 2016 et annoncé pour le 08 décembre 2017, le trompettiste Ron Miles élargit son trio habituel avec le guitariste Bill Frisell et le  batteur Brian Blade en invitant le pianiste Jason Moran et le contrebassiste Thomas Morgan. Ces cinq talentueux musiciens unissent leur sensibilité et leur créativité pour façonner un splendide album de jazz.

Sur « I Am A Man », l’art subtil des cinq musiciens transforme les sept compositions de Ron Miles en un manifeste jazz qui emprunte la couleur du blues et les accents d’un gospel éloigné du presbytère. Le projet de Ron Miles hésite entre un jazz post-bop tempéré et un hymne introspectif qui ne déparerait pas chez ECM. Une ode empreinte de tendresse et de force.

I Am A Man débute par un simple motif pris sur un rythme funky que le cornet développe ensuite avec lyrisme et mélancolie. La ballade Darken My Door commence dans un climat tendu qu’instaure le pianiste très vite rejoint pas le batteur et le bassiste. A trois, ils étoffent le climat avant l’arrivée du guitariste et du trompettiste qui vont ensuite se répartir la parole. Leurs chorus se succèdent comme de souples vagues musicales qui détendent l’atmosphère. Après un solo hypnotique le guitariste cède la parole au trompettiste qui réinstaure un climat porteur d’inquiétude.

The Gift That Keeps On Giving se détache du répertoire par son swing lumineux. Sur ce thème, Jason Moran apparaît dans la plénitude de son art. Guitare, trompette et contrebasse s’expriment avec souplesse et sans urgence soutenus par la batterie. Un mélodieux délice musical. Jasper fait référence au jaspe, cette pierre citée dans le chapitre 21 du Livre de la Révélation. Un morceau dont les vibrations lumineuses s’élèvent réchauffées par la sonorité chaleureuse du cornet de Ron Miles.

Revolutionary Congregation permet à Ron Miles de convoquer les figures héroïques de MalcomX, Martin Luther King et Gandhi qui ont lutté pour la liberté des opprimés. A l’unisson, cornet et guitare exposent le thème. Le cornet entame ensuite un chant fluide dont le flot se ralentit. Les sons distordus de la guitare entraînent le cornet dans un subtil chaos mais les instrumentistes s’unissent pour surmonter les dissonances et revenir subtilement vers le thème d’ouverture. Ensemble ils triomphent du désordre. En musique aussi l’union fait la force.

Ron Miles dédie ensuite la ballade Mother Juggler à sa mère et à toutes les mères, à celles qui permettent aux enfants de grandir et de s’élever. On retrouve avec bonheur les atmosphères réverbérées de la guitare de Bill Frisell et ses métriques ternaires. Le guitariste et le trompettiste phrasent à l’octave et la musique prend des teintes shorterriennes. Le piano s’exprime avec une délicatesse inouïe jusqu’au retour de la guitare et du cornet qui terminent le morceau ensemble avec le soutien du piano.

Is There Room In Your Heart For A Man Like Me sonne vraiment comme une ode à l’amour. Il ouvre avec des doubles notes répétées par la guitare derrière le solo de contrebasse. Après l’entrée du piano, guitare et cornet chantent la mélodie à l’unisson. La batterie assure une pulsation délicate qui soutient et propulse en même temps l’expression des solistes  Durant les minutes suivantes chacun des solistes improvise avec une grande liberté avant un changement de tempo de Brian Blade dont se saisit Bill Frisell pour improviser et conduire le groupe jusqu’à un magnifique moment d’improvisation collective.

Le projet de Ron Miles, « I Am A Man », puise sa force dans une architecture solide. Les rythmes médium et lents préférés aux tempi rapides et la riche texture harmonique permettent aux musiciens de développer de splendides mélodies et des improvisations délicates. Un régal musical soigné aux arrangements élaborés. A  écouter sans modération.

Ron Miles: I Am A Man from Derek O. Hanley on Vimeo.

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