Énergie, raffinement et mystère
L’album « Howls » délivre une musique à l’identité singulière dont la modernité ne renie en rien la tradition. Composé par Thomas Boffelli avec un sens mélodique aiguisé, le répertoire est servi par un quintet d’exception. Dans une parfaite complicité, les musiciens invitent à un voyage musical intense dont la palette sonore se renouvelle d’un bout à l’autre du répertoire. Une superbe découverte à écouter en boucle sans jamais se lasser.
Sorti le 27 septembre 2019 en format numérique et le 25 octobre 2019 en version physique, l’album « Howls » (We See Music/Absilone) libère une musique où se croisent avec bonheur, modernité et tradition, énergie et raffinement, ambiances mystérieuses et climats colorés.
Être étonné et se réjouir à l’écoute d’un album de jazz constitue un évènement qu’il fait bon partager. Certes la production jazz réserve encore souvent de belles sensations. En effet, nombreux sont les groupes et musiciens reconnus qui continuent à questionner leur art, à susciter des rencontres et à renouveler ainsi leur inspiration même si quelques-autres hésitent à s’aventurer hors de leur zone de confort et tournent en rond. Cependant les surprises les plus savoureuses sont à relier avec les univers musicaux initiés par de nouveaux groupes. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’album « Howls » qui à ce titre vaut d’être découvert.
« Howls », une première production qui présente une musique à la fois énergique et nuancée, élégante et mystérieuse. Sans démonstration, les musiciens prennent le parti de soigner leur expression sans pour autant oublier de libérer leur créativité. La richesse des arrangements et l’inventivité des improvisations contribuent à valoriser les compositions et à susciter de belles émotions.
Le groupe
Autour du trompettiste Thomas Boffelli, le quintet Howls rassemble le saxophoniste Jérôme Girin, le pianiste Matthieu Marthouret, le contrebassiste Sylvain Dubrez et le batteur Damien Françon.
D’après le titre du groupe on pourrait s’attendre à écouter un quintet de hurleurs. De fait, le groupe sait gronder mais c’est avec une maîtrise étonnante qu’il gère les variations de tension musicale. En effet, même dans les moments les plus « lâchés », les instrumentistes rugissent avec énergie sans pour autant perdre le fil de la narration musicale.
Le répertoire
Même si chaque composition possède sa propre identité, une cohérence formelle caractérise le répertoire dont les neufs titres sont à porter au crédit de Thomas Boffelli.
L’album « Howls » possède un continuum narratif qui confère à l’album une grande homogénéité esthétique. Howls, le titre qui donne son nom à l’album est égrené au fil de trois titres intitulés Ho, Ow, et Ls. Si les deux premiers peuvent s’entendre comme des interludes, le troisième occupe une place unique au sein du répertoire puisqu’il s’agit de la seule ballade de l’album.
Accrochée par les mélodies et la richesse des orchestrations, l’oreille vibre sans réserve d’un bout à l’autre du répertoire.
Au fil des plages
Howls ouvre l’album avec une grande intensité mélodique et harmonique. Sur un tempo latin jazz, saxophone ténor et trompette exposent le thème en contrepoint et soufflent de délicates clameurs musicales.
Ho fait alors un clin d’œil au free jazz via les mugissements dont le ténor ornemente la calme mélodie jouée à la trompette. Plus tard, l’exposé orchestral de la mélodie de Papoose plonge l’oreille dans un univers harmonieux profilé comme la bande son d’un film. Le fluide chorus de contrebasse ouvre l’espace au solo ciselé du ténor qui joute plus tard en belle entente avec la trompette. On entre ensuite dans l’univers de Close path qui regarde du côté du jazz funky d’Horace Silver. Les improvisations des solistes s’inscrivent quant à elles dans le style hard-bop auquel s’abreuve aussi le piano.
Ow résonne comme un interlude musical dont la vibrante tension est portée par la lumineuse trompette et les hurlements veloutés du ténor. Le bâton et la pluie ouvre ensuite avec une mélodie imprégnée de mélancolie. Porté par une section rythmique attentive et efficace, le ténor se fait véhément dans son chorus sans jamais se départir de la fluidité qui caractérise son jeu. La trompette malaxe la matière sonore qu’elle se plaît à déstructurer pour mieux la restructurer ensuite.
Riding the sun fait ensuite découvrir une autre facette colorée de ce quintet dont l’énergie ne tarit pas. Il donne aussi l’occasion à la batterie de produire un solo inspiré et mordant. Advient ensuite Ls, l’unique ballade de l’album qui permet d’apprécier la maîtrise technique du ténor qui muse entre super aigus et graves veloutés. Comme en flottaison au-dessus du tempo étiré, le piano confère au morceau un climat émotionnel empreint de délicatesse.
Avec Totem l’album se termine dans un climat funky groovy. Ténor et trompette rugissent et leurs chorus frénétiques portés par une section rythmique tendue instaurent une transe hypnotique dans laquelle on s’immerge avec allégresse.
Au final, sur leur premier album « Howls », les cinq musiciens complices proposent un opus soigné qui témoigne d’une réelle structure groupale où les individualités fédèrent leurs talents au service d’une musique raffinée et énergique à la fois.
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