Étincelles, flamme, cendres… une flambée infernale
« Fire » est le troisième album de la série que Dave Liebman consacre aux éléments naturels. Le casting de l’album est exceptionnel puisque le saxophoniste réunit autour de lui trois musiciens impliqués dans l’évolution du jazz et devenus des légendes, Jack DeJohnette, Dave Holland et Kenny Werner. Un jazz ardent et chaleureux dont le feu flamboyant étincelle et crépite.
Après « Water-Giver of Life » (1997) enregistré avec Pat Metheny, Billy Hart et Cecil McBee et « Air » (2011) gravé avec Walter Quintus, le saxophoniste Dave Liebman publie « Fire », le troisième album de sa série consacrée aux éléments naturels, sorti le 20 avril 2018 sous le label Jazzline.
Artiste innovant, Dave Liebman fait partie de ces figures qui ont contribué à l’histoire du jazz. Technicien émérite, il produit des performances volcaniques et fougueuses inscrites dans la mouvance post-coltranienne. Sa sensibilité et son sens de la musicalité lui permettent par ailleurs de prodiguer des musiques lyriques à la forte dimension émotionnelle.
Dave Liebman
Après avoir eu comme professeurs Lennie Tristano (1963) et Charles Llyod (1964), Dave Liebman a fait partie des groupes d’Elvin Jones et de Miles Davis dans les années 70, Dave Liebman a mené une brillante carrière de leader et s’est aussi engagé dans la transmission de la musique qu’il pratique depuis les années 60.
Au fil des ans il a joué avec de nombreux musiciens parmi lesquels John Scofield, Richie Beirach, Bob Moses, Billy Hart, Chick Corea, Steve Grossman, Larry Coryell, Lenny White, Michael Brecker, Randy Brecker, Pee Wee Ellis, Joe Lovano, Ravi Coltrane mais aussi en Europe Joachim Kuhn, Daniel Humair, Paolo Fresu, Michel Portal, Wolfgang Reisinger, Jean-Paul Celea, MArtial Solal et bien d’autres.
Sa discographie compte parmi les plus imposantes des musiciens de jazz. Il a en effet participé à plus de 500 enregistrements dont environ 200 comme leader ou co-leader. Parmi ses nombreux groupes on peut citer le groupe Quest avec lequel il a enregistré sept albums mais peut noter aussi l’intérêt qu’il manifeste vis à vis de groupes tel l’Ensemble Intercontemporain de Paris. On sans doute parler de sa part d’un éclectisme musical qui lui permis de s’exprimer dans de nombreux idiomes, de la fusion au free passant par exemple par les arias de Puccini.
Dave Liebman s’est imposé dans le jazz comme un maître du saxophone soprano sur lequel il s’est forgé un style unique et inimitable qu’il développe sur des répertoires qui mêlent en général les expressions du passé, du présent et de demain.
« Fire »
Lorsqu’il évoque les éléments de la nature dans ses albums, Dave Liebman se réfère à la dualité qui se rapporte à chacun de ces éléments. Ainsi au feu, Fire, sont associés des éléments bénéfiques telles la chaleur et lumière et aussi le fait que le feu permette à l’homme d’améliorer sa subsistance. A contrario, le processus qui génère le feu est porteur de destruction. Les étincelles, Sparks, qui donnent naissance à des flammes, Flames, voire des brasiers pouvant se transformer en un enfer, Inferno, ravageur dont témoignent les cendres, Ashes.
Pour enregistrer l’album, Dave Liebman réunit quatre musiciens pointures du jazz le batteur Jack DeJohnette, le contrebassiste Dave Holland et le pianiste Kenny Werner. La relation du saxophoniste avec les deux premiers remonte à la fin des années 60 alors qu’il jouait avec Miles Davis. Il a rencontré Holland à Londres durant une tournée en Europe et DeJohnette à New-York durant des jam-sessions, tous deux ont rejoint ensuite l’orchestre de Miles Davis et au fil des ans sont devenus des références sur leur instrument respectif.
L’album « Fire » recrée les ambiances de cette musique de la fin des années 60 en incluant une forte dose de free jazz inspiré par la musique de Coltrane de l’époque de l’album « Ascension », cette époque où coexistaient free-jazz et jazz fusion. Sur le disque, six titres dont cinq composés par Dave Liebman et soixante-neuf minutes d’une musique aux climats contrastés. Les atmosphères oscillent entre des déchaînements furieux et passionnés et des moments plus contemplatifs et sereins, évocateurs tour à tour de cette dualité qui habite le feu.
Impressions musicales
Flash!, une séance d’improvisation collective donne le ton. Le saxophone ténor serpente et trace son chemin à travers un bouillonnement rythmique incessant puis le saxophone soprano émet des spirales incandescentes annonciatrices de flammes
Avec trente-deux minutes trente-cinq, Fire constitue le titre phare de l’album. On serait tenté de rejoindre le feu allumé et entretenu par les quatre musiciens pour partager leur musique enflammée.
Avec quelques notes ciselées le piano peint une mélodie onirique qu’accompagne la contrebasse portée par le tapis que les balais tissent sur la batterie. Le soprano s’insinue ensuite avec délicatesse et déroule avec lyrisme ses phrases musicales élastiques qu’il étire avant de laisser place à la contrebasse très libre dans son improvisation. Le ténor devenu rageur se manifeste avec véhémence sur les accords dissonants du pianiste. après un solo de la batterie qui combine rythmes binaires et ternaires. La plage se termine dans un étrange climat de sérénité créé par les sonorités vaporeuses du ténor et le piano apaisé.
En introduction de Sparks, la flute en bois, le piano, la batterie et la contrebasse créent une atmosphère méditative puis le saxophone soprano s’élance avant de laisser place à la contrebasse tellurique que frotte l’archet jusqu’à ce que tous les instruments conjuguent leur énergie pour faire jaillir les étincelles fatales
Des bourrasques sonores enflammées du ténor et des flammèches jaillies du piano sur Flames se dégagent une atmosphère incandescente. La batterie termine le morceau et introduit Inferno par un long solo continu qui va se prolonger alors que le soprano déclenche sa fureur inextinguible et entraîne le piano qui va se déchainer jusqu’à l’épuisement
Avec Ashes se termine l’album. Le titre dessine une oasis sonore dès les premières notes de la flute enchanteresse. Le ténor souffle ensuite une brume moelleuse. C’est un climat musical évanescent que font régner les quatre musiciens après avoir attisé le feu sur les cinq plages précédentes mais on sait bien que sous les cendres couve le feu et pour ne pas l’oublier on peut réécouter l’album sans se lasser.
Sur « Fire », le jazz étincelle et éclaire de sa lumière les six plages de l’album. Des retours de flamme évocateurs de musiques historiques qui ont gagné en sérénité et en précision. Un feu de camp lumineux qu’entretiennent quatre compagnons complices, à moins qu’il ne s’agisse d’un incendie ravageur. A chacun(e) sa vision. Une musique libre et inspirée, forte et sensible à la fois.
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