Étranges poèmes enluminés de Beauté
Après « Birds Requiem », Dhafer Youssef revient avec « Diwan of Beauty & Odd ». Union parfaite entre la musique soufi et le jazz d’aujourd’hui, cet album célèbre la beauté et l’étrange.
Dédié à Damas et entièrement enregistré dans le mythique studio de Sear Sound à New-York, l’album « Diwan of Beauty & Odd » (OKeh/Sony) sorti le 16 septembre, propose treize poèmes musicaux. Une plongée sonore dans un monde céleste où Dhafer Youssef invite un orchestre de jazz à sa mesure. A ses côtés, la fine fleur du jazz new-yorkais. Le pianiste Aaron Parks, le trompettiste Ambrose Akinmusire, le contrebassiste Ben Williams et le batteur Mark Guiliana. Il s’agit du premier album que l’artiste enregistre entièrement avec un groupe de musiciens américains.
L’alliage des influences orientales et du groove urbain, la coexistence de la tradition et de la modernité projettent à travers ce nouvel opus musical un message de paix.
Le chant lumineux de Dhafer Youssef génère une énergie positive qui suspend le temps. A l’écoute de « Diwan of Beauty & Odd » on flotte comme en apesanteur. On savoure les délices de l’étrange où même l’ombre s’éclaire de beauté.
Certes cet album est plus enraciné dans le jazz que « Birds Requiem » mais on retrouve les chants traditionnels soufis, ses mélodies aériennes et les envols saisissants de la voix de Dhafer Youssef. La brillance des performances vocales de l’artiste coexiste avec une forte portée émotionnelle.
Le trompettiste Ambrose Akinmusire pénètre et épouse l’univers du chanteur. C’est merveille de les écouter se répondre ou jouer à l’unisson. Le toucher délicat du pianiste Aaron Parks soutient et sublime l’élévation du chant. Leur communion sur le titre d’ouverture Fly Shadow Fly est saisissante. Même après l’entrée de la batterie et du oud, le piano brode encore de précieuses enluminures.
Dhafer Youssef transcende les genres et les frontières des mesures simples. Pour mieux camper l’étrange et magnifier la beauté il utilise les mesures impaires qui complexifient les structures et créent une tension palpable. La section rythmique épouse alors les mélodies et induit un groove organique dont Dhafer Youssef prétend qu’il incarne la vie. Cette pulsion insuffle son énergie à la voix qui élève sa prière vers des contrées célestes où désir et mélancolie irriguent la vie pour le meilleur et pour le pire.
Une profonde cohérence du répertoire fait apparaître l’album est comme un tout où chaque titre contribue à valoriser et à compléter l’autre. Certes chaque thème a son identité propre et on peut distinguer des moments où le battement ternaire du jazz prévaut sur l’atmosphère hypnotique du chant soufi comme par exemple Cheerful Meshuggah mais in fine, l’album est plus que la somme de tous ces titres pris séparément. Il vaut par son ensemble et s’impose comme un tout insécable.
Les illustrations du livret et celles de la couverture évoquent le monde de Francis Bacon et sa peinture où coexistent beauté et étrangeté. On a souri en lisant la dédicace que Dhafer Youssef fait figurer à la fin de son album. Il dédie « Diwan of Beauty & Odd » « à ceux qui ne l’écouteront pas et à ceux qui ne l’aimeront pas ». Dommage … on l’a écouté et on l’a aimé mais même s’il ne s’adresse pas directement à nous, on ne s’en séparera pas !
« Diwan of Beauty & Odd », une ode poétique et lumineuse à un monde pacifié dont le cœur battrait au rythme de la musique de Dhafer Youssef.
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