Rythmes lumineux et dépaysement
Simon Goubert et Ablaye Cissoko annoncent la sortie de leur nouvel album, « Au loin ». Le batteur et le joueur de kora poursuivent leur projet « African Jazz Roots » en quartet. Énergie et lumière irriguent la musique.
Le batteur Simon Goubert et le joueur de kora Ablaye Cissoko continuent leur collaboration débutée en 2010. Le 22 septembre 2017, les deux leaders présentent « Au loin » (Ma Case Prod), leur nouvel opus où ils s’expriment en quartet. Aux côtés de Simon Goubert et Ablaye Cissoko, la pianiste Sophia Domancich et le contrebassiste Jean-Philippe Viret.
Conçu pour valoriser les fondements musicaux communs aux deux langages du projet « African Jazz Roots », le répertoire de l’album « Au loin » rend à la fois hommage à la tradition musicale sénégalaise et au jazz modal de John Coltrane. Un voyage dépaysant qui allie de nouvelles sonorités et une élégance lumineuse.
Certes le travail avait déjà commencé en 2010 entre Simon Goubert et Ablaye Cissoko lors de leur première rencontre au Festival de Saint-Louis-du-Sénégal suivi en 2011 par l’enregistrement de l’album « African Jazz Roots » sorti en France en novembre 2012. Le titre de l’album est par ailleurs devenu celui de leur projet commun.
Simon Goubert a assuré la direction du projet et les quatre musiciens ont contribué à l’écriture du répertoire. Grâce à la grande complicité qui lie les quatre protagonistes, le travail préalable à l’enregistrement de l’album a été facilité. Le projet prétend en effet générer de vrais liens entre le jazz et l’idiome traditionnel de la kora et il y parvient. De facto, la musique proposée ne relève en rien d’une simple juxtaposition de styles. Le propos du groupe parvient réellement à fusionner les deux influences musicales, sans les affadir ni les lisser. Il s’agit bien d’un réel métissage.
Les approches différentes des artistes du quartet leur ont permis de cerner les fonctionnements et les rôles de chaque instrument. La kora ne pouvant s’accorder dans tous les modes utilisés en jazz, les compositeurs doivent écrire en prenant en compte les modes musicaux accessibles aux 21 cordes de la kora pour qu’il soit possible à Ablaye Cissoko d’improviser librement. Ainsi, le groupe a conçu un répertoire de compositions originales et a intégré les caractéristiques physiques de la kora qui requiert un accordage spécifique pour chaque mode musical dans lequel le musicien doit s’exprimer.
Seul un expert de l’instrument comme Ablaye Cissoko peut faire face à de telles exigences. Sur l’album « Au Loin », il s’exprime dans plusieurs modes, le mode Syllaba, le mode Toumara et le mode Sawouta. Ses improvisations inspirées répondent ainsi de belle manière à celles de Sophia Domancich ou de Jean-Philippe Viret.
Enregistré live, « Au loin », fait alterner des ambiances fluides et lumineuses ou puissantes et incantatoires. Le répertoire du groupe est conçu de telle manière que l’on ne perçoit à l’écoute de l’album, aucune contrainte technique. Cela participe sans nul doute en grande partie à la réussite de la fusion de ces deux mondes musicaux que sont le jazz modal et la musique traditionnelle sénégalaise. Le talent des artistes et leur entente fait le reste.
L’album ouvre avec Sur le Pont Faidherbe, une composition de Simon Goubert écrite en hommage à cet édifice emblème de Saint-Louis-du-Sénégal et continue avec Au Loin, le thème de Sophia Domancich qui donne son titre à l’album. Écrit et interprété dans la pure veine coltranienne, le morceau donne lieu à un échange très riche entre le joueur de kora et la pianiste.Tous deux sont portés par Simon Goubert au meilleur de sa forme. Ses interventions puissantes et sa verve ne sont d’ailleurs pas sans évoquer un certain Elvin Jones.
A l’écoute du titre De Dakar à Saint-Louis on se trouve transporté dans la fantastique forêt de baobabs qui pousse entre Dakar et Saint-Louis du Sénégal. Lumineux et fragile, le chant de la kora s’élève au-dessus de la rythmique jazz et l’on est immergé dans les couleurs et les senteurs africaines. Après une incursion du piano dans le monde coltranien, on revient en Afrique.
Le vieux sage révèle l’alliance sonore subtile qui se crée entre le piano, la voix du griot et la kora. Dérivante permet d’apprécier l’élégance et la force tranquille de la contrebasse dont les cordes chantent la mélodie. Sur la première moitié du morceau la délicate improvisation de Jean-Philippe Viret procure un grand moment d’émotion.
On est séduit par Saint Awawa, la subtile composition du contrebassiste. Ce dernier ouvre le thème à l’archet et instaure ensuite un splendide dialogue avec la kora qui esquisse le thème avec une fluidité exquise. Soutenu par des cymbales pointillistes, le piano enchaîne et improvise avec une légèreté tout en suspension. La batterie impulse ensuite une rythmique subtile mais solide qui permet à la harpe-luth de faire entendre son chant lumineux.
Tout au long de l’album « Au loin », les incantations de la kora et le chant habité du griot s’unissent au jeu délicat de la contrebasse et au toucher souple du piano. La musique se teinte alors d’une forte dimension spirituelle. La grande rigueur rythmique et harmonique magnifie les mélopées de la kora et de la voix. Le tout évoque alors ces espaces de transe que l’on retrouve dans le jazz modal coltranien.
Enregistré live, l’album « Au loin » permet de capter la musique telle qu’elle vit lors d’un concert. Le 25 août 2017 on a pu apprécier la musique du quartet en direct sur la scène du Théâtre les Arts de Cluny durant le festival Jazz Campus en Clunisois.
« Au Loin » réalise une fusion aboutie entre le langage du jazz moderne incarné par Simon Goubert, Sophia Domancich et Jean-Philippe Viret et les sources de la musique mandingue représentée par le griot, chanteur et joueur sénégalais de kora, Ablaye Cissoko.
A l’occasion de la sortie de l’album « Au Loin », un rendez-vous s’impose pour écouter Simon Goubert et Ablaye Cissoko en concert. Le Pan Piper accueille le quartet le lundi 06 novembre 2017 à partir de 20h au 2-4 impasse Lamier à Paris (75011). Concert évènement à ne pas rater.
Remerciements à Simon Goubert et Ablaye Cissoko pour leurs précieuses informations.
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